Naissance d’une revue
Les secrets de fabrication de la nouvelle publication bimestrielle du Groupe Jeune Afrique, La Revue de l’intelligent, sortie le 22 mai.
Publié le 23 juin 2003 Lecture : 3 minutes.
Comment lance-t-on une revue ? Eh bien, ce n’est pas simple, mais avec un peu de persévérance et pas mal de volonté, on y arrive. Au départ, il faut une idée. Pas une de ces idées qui vous courent dans la tête pour finir par s’évanouir comme elles sont venues. Non, plutôt une idée fixe. Du genre de celles que les patrons de presse peuvent parfois avoir. Vous voyez où je veux en venir ? Non ? Alors laissons Béchir Ben Yahmed s’exprimer sur le sujet : « Je porte en moi l’idée de cette revue depuis très longtemps. Lecteur, admirateur et même collaborateur de la revue américaine Foreign Affairs, j’espérais qu’un grand éditeur aurait un jour le projet d’en créer une sur le même modèle et de même niveau, en langue française. » Voilà, c’est plus clair pour tout le monde. Mais une idée, ça ne se jette pas au vent comme une poignée de graines. Non, ça se travaille et ça se mûrit. Ainsi elle a reposé sous les yeux dudit BBY pendant plus d’une douzaine d’années, comprimée dans un gros dossier, posé sur une tablette bien en vue.
Deuxième étape : le titre. Après une longue réflexion, Jean Farran, ancien de Match et de RTL, qui travaillait sur le projet, proposa, enthousiaste, La Revue de l’intelligent. En réponse – et on peut le comprendre -, il obtint de BBY une moue réprobatrice qui en disait long. Prétentieux ! Immodeste ! Impensable ! Ridicule ! Mais malgré cela, la proposition fit son chemin (pour plus de détails, lire le n° 1 de La Revue, juin-août 2003) jusqu’à entraîner le changement de nom de Jeune Afrique… Un nom difficile à porter, comme des habits trop grands, ou trop petits. C’est, après tout, une des épices essentielles à la recette : le risque assumé de ne pas plaire…
Troisième étape : définir le contenu. On ne sert pas un plat sans y mettre la patience, le savoir-faire et les ingrédients qui peuvent contribuer à rehausser le goût. Après sélection et élimination, quelques axes se sont dégagés au cours des années. La Revue devait être internationale, ouverte à tous les secteurs de l’activité humaine, rédigée par des journalistes et non des universitaires. Et, enfin, être accompagnée d’un livre. Ainsi, au menu du premier numéro, les lecteurs pourront lire un dossier complet sur l’hydrogène, contempler les photographies insolites du philosophe Jean Baudrillard, savourer les paroles pleines de sève d’Aimé Césaire, goûter les analyses politiques de Claire Tréan sur la guerre préventive et de Yasmina Khadra sur l’islam et l’intégrisme. Et comme l’appétit vient en mangeant, à ce qu’on dit, le repas pourra se prolonger en compagnie d’Abdou Diouf, de Roland Dumas, de Tony Blair et de Condoleezza Rice : diversité des goûts et des saveurs. Avant de suivre les traces de Joseph Pulitzer, « inventeur du journalisme moderne », guidés par la plume de Jacques Bertoin (Joseph Pulitzer, la Bibliothèque de l’intelligent, 244 pages).
Quatrième étape. Réaliser. Pour cela, un homme seul avec son idée ne suffit pas. Il lui faut les mains, les pieds, les cerveaux de ses collaborateurs. Il lui faut une équipe unie, où l’on s’épaule mutuellement : Jean-Louis Parbot, éditeur ; Jacques Bertoin, écrivain et journaliste ; Joséphine Dedet, romancière et journaliste ; Aldo de Silva, conseiller artistique ; Karim Gamba, maquettiste ; Delphine Sabourault, attachée de presse… Ensemble, ils ont donné un corps et un visage au projet.
Cinquième étape. Mélanger tous les ingrédients avec suffisamment d’habileté pour éviter les grumeaux. Les réunions de la rédaction, animées et passionnées, parfois houleuses, se sont multipliées. Il a fallu s’adapter, modifier les choix initiaux, discuter des illustrations, trouver de la publicité, rajouter ici un peu de sel, là un peu de poivre.
Bref, l’aventure n’a pas été de tout repos avant qu’enfin on puisse servir le plat le 22 mai. Après douze ans de gestation, La Revue de l’intelligent est aujourd’hui dans les maisons de la presse et dans les kiosques. Ses concepteurs espèrent bien réveiller vos papilles.
