Ecobank relève le défi kényan

Le groupe bancaire panafricain est à la traîne et multiplie les pertes dans la sous-région. Pour redresser la barre, il veut booster sa capacité à accompagner les grandes entreprises régionales.

Ecobank réalise la majorité de ses revenus en Afrique de l’Ouest. © Ecobank Group

Ecobank réalise la majorité de ses revenus en Afrique de l’Ouest. © Ecobank Group

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Publié le 28 juillet 2014 Lecture : 5 minutes.

Environ 58 millions de dollars (42,8 millions d’euros), dont 20 millions au cours des deux dernières années. Les pertes enregistrées depuis 2009 en Afrique de l’Est par Ecobank sont lourdes. « En 2013, sur nos six filiales dans la zone [Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie], une seule était profitable, celle du Burundi », concède Ehouman Kassi.

Depuis un an, c’est ce patron ivoirien, ex-dirigeant de la banque d’investissement du groupe panafricain, qui veille aux destinées d’Ecobank Kenya et de la région Afrique de l’Est. Sa mission ? Permettre au groupe de percer dans une zone où il arrive loin derrière les leaders. « En 2020, sur les dix pays africains qui généreront le plus de revenus dans le domaine bancaire, trois seront situés en Afrique de l’Est : le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda. Le Kenya sera même au troisième rang », insiste Ehouman Kassi.

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En 2013, l’est du continent n’a fourni que 3,4 % de ses revenus, c’est la plus petite de ses régions d’opération.

Aujourd’hui, la région pèse peu au sein d’un groupe qui, s’il est panafricain, réalise l’immense majorité de ses revenus en Afrique de l’Ouest. En 2013, l’est du continent n’a fourni que 3,4 % de ses revenus, c’est la plus petite de ses régions d’opération. Elle pèse trois fois moins que l’Afrique centrale, où Ecobank compte pourtant moins d’agences et moins de salariés.

En Afrique de l’Est, le Kenya concentre désormais toutes les attentions. « Ecobank a trop longtemps délaissé ce marché phare. Il aurait dû être sa priorité dans la zone, explique un spécialiste du secteur. Il est presque allé trop vite dans les pays voisins et pas assez vite à Nairobi. Il aurait par exemple pu mettre en place ses propres équipes plus tôt. »

Locomotive

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Certes, la reprise d’East Africa Building Society (EABS) en juin 2008 a permis au groupe de mettre un pied dans le plus stratégique des marchés de la zone. Mais dans un pays qui compte 44 banques en activité, dont une dizaine de fleurons, elle n’a guère apporté plus. Fin 2013, après cinq ans d’activité, Ecobank demeurait un acteur très marginal du paysage bancaire local. Au 22e rang par la taille, la banque ne contrôlait alors que 0,7 % des dépôts de la place.

Convaincu qu’un succès dans la locomotive est-africaine entraînera des réussites dans toute la zone, le groupe veut désormais accélérer le mouvement. Ecobank, qui dispose encore dans le pays d’un portefeuille diversifié de particuliers et d’entreprises, donne maintenant la priorité aux grandes compagnies, panafricaines, régionales et étatiques notamment. « EABS était une société de prêt hypothécaire qui réalisait des financements pour les particuliers. Il a fallu nettoyer le portefeuille pour développer la spécialité d’Ecobank, les grands comptes », insiste Ehouman Kassi.

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Le groupe mise ainsi sur son principal atout face à la concurrence : sa capacité d’accompagnement des entreprises dans l’ensemble de son réseau panafricain. Certes, la plupart des grandes institutions kényanes ont elles aussi mis le cap sur les pays voisins, Soudan du Sud et Ouganda en tête. Mais rares sont celles qui comptent des relais jusque dans l’est de la RD Congo ou au Burundi. Sur ce point, Yoann Lhonneur reste toutefois prudent.

« Ecobank compte moins d’une cinquantaine d’agences en Afrique de l’Est. C’est presque trois fois moins que Kenya Commercial Bank, explique le directeur associé de Devlhon Consulting, un cabinet de conseil en management et stratégie dans le secteur financier. En termes de performance commerciale, Ecobank est toutefois plus efficace. »

Selon Ehouman Kassi, l’autre force du groupe, c’est sa « plateforme technologique, notamment avec le système de « pooling » proposé aux clients [une gestion centralisée de la trésorerie de différentes filiales] et la possibilité de réaliser leurs transactions en ligne ». Ecobank complète par ailleurs sa panoplie locale de services aux entreprises : il vient de décrocher dans le pays une licence pour son activité de banque d’investissement, avec à la clé plusieurs mandats en cours. Le groupe a également annoncé son intention d’injecter 100 millions de dollars de fonds propres dans sa filiale kényane, ce qui permettra de tripler le capital et donc la capacité de financement. « Même les plus grandes banques locales ne peuvent pas accorder de financements importants, pour de gros projets d’infrastructures ou d’exploitation de ressources naturelles par exemple, décrypte Ehouman Kassi. Il y a une opportunité. »

Toujours dans le rouge CEcobank

Si les grands acteurs kényans tels qu’Equity Bank ou Kenya Commercial Bank se focalisent surtout sur les particuliers, la partie ne sera toutefois pas simple. « Les banques internationales actives au Kenya ont dominé le segment des grandes entreprises au cours de la dernière décennie certes, mais avec de nombreux dirigeants venus de multinationales, les banques locales sont désormais tout aussi compétitives, estime Francis Mwangi, analyste chez Standard Investment Bank. Et désormais, ces banques à capitaux locaux jouissent d’un accès privilégié à des fonds en devises à long terme, un handicap de moins face aux multinationales soutenues par leur maison mère. »

Prudence

Sur le segment des particuliers, hautement compétitif, Ecobank compte jouer la carte de la prudence. À raison, estime Yoann Lhonneur : « Le marché kényan est plus sophistiqué en termes de produits et de services que celui de l’Afrique de l’Ouest. » Ecobank entend bien offrir aux salariés de ses entreprises clientes des services adaptés mais, en dehors de cela, elle ne se lancera pas dans une conquête coûteuse et peut-être même vouée à l’échec. Equity Bank, le leader, compte 8,4 millions de clients et plus de 10 000 agents commercialisant ses produits à travers le pays. Seule la diaspora d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale établie en Afrique de l’Est est dans le viseur d’Ecobank, qui entend là aussi utiliser son réseau.

En attendant que tous ces chantiers portent leurs fruits, le groupe cherche à maîtriser les coûts dans une zone où ils sont très élevés au regard des revenus générés. Au Kenya, où la banque compte 30 agences, la création d’une dizaine de sites supplémentaires seulement est envisagée, surtout à Nairobi et à Mombasa. « Nous avons ouvert quatre agences en janvier sans augmenter le nombre de salariés, juste en réorganisant les équipes », se réjouit Ehouman Kassi. Selon nos informations (non confirmées par la banque), les pertes d’Ecobank Kenya auraient déjà été réduites de plus des deux tiers en un an. Objectif désormais : ramener la plus prometteuse des filiales de la zone dans le vert d’ici à la fin de l’année ou au cours de la suivante et passer au douzième ou treizième rang national. Dans la région, les choses s’arrangent. « Quatre filiales de la zone font des profits aujourd’hui. Seuls le Kenya et l’Ouganda restent dans le rouge », conclut Ehouman Kassi.

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