Les mystères du « coffre-fort »

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 2 minutes.

Quel est le montant du pactole amassé par la Libye depuis le quadruplement des prix du pétrole, en 1973 ? Et que reste-t-il de cette somme aujourd’hui ? 10 millions, 20 millions, 30 millions de dollars ? Personne n’en sait rien, à l’exception de Mouammar Kadhafi et de Mohamed El-Huwej, son principal banquier. Cet argent est majoritairement géré par la Libyan Arab Foreign Invesment Company, la Lafico, que les Italiens ont surnommée le cassaforte (le « coffre-fort »). Les bureaux, plutôt modestes, de la société sont installés dans une tour du quartier Dhat al-Imad, dans le centre de Tripoli. Mais le coffre-fort proprement dit se trouve partout et nulle part : les avoirs de la Lafico sont disséminés dans une centaine de pays et une dizaine de centres offshore. À cause de l’impitoyable traque financière lancée par les services américains.
En Italie, la Lafico est actionnaire de plusieurs grandes entreprises, la Fiat notamment. Saadi, l’un des fils du Guide, siège d’ailleurs au conseil d’administration de la Juventus de Turin, filiale du groupe. On connaît moins les ramifications de la Lafico en Europe (via notamment le groupe Oilinvest la chaîne de distribution de carburants Tamoil), en Afrique (via la Libyan Arab African Investment Co.) et dans le secteur bancaire international (via la Libyan Arab Foreign Bank).
Le 12 juin, Kadhafi a déclaré que le secteur public appartenait désormais aux Libyens. Exigera-til de la Lafico qu’elle rende public le montant de ses avoirs ? La Libye, qui produit environ 1,3 million de barils de pétrole par jour, encaisse 12 milliards de dollars par an. En multipliant ce chiffre par trente 1973-2003), on arrive à 360 milliards de dollars, compte non tenu des années fastes (1975-1980), au cours desquelles
la production oscillait entre 2 millions et 3 millions de b/j. On sait que la Grande Rivière artificielle a coûté environ 10 % de cette somme. Mais où est passé le reste ? En partie dans des achats d’armes et la réalisation d’infrastructures, mais on reste loin du compte. La Libye importe aujourd’hui plus de 90 % de ses besoins en nourriture et en équipements. Elle produit certes de l’acier et des produits chimiques, mais divers grands projets annoncés à grand bruit n’ont jamais vu le jour, notamment la fameuse « voiture la plus sûre du monde ». Kadhafi vient de reconnaître que le secteur public est en quasi-faillite, et que, l’argent du pétrole ayant été dilapidé, il va falloir repartir de zéro. Bref, le cassaforte risque de garder tous ses secrets.

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