En attendant un jugement sur le fond

L’affaire des 350 personnes disparues à Brazzaville en mai 1999 peut être instruite en France. Ainsi en a décidé la Cour internationale de justice.

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Réunis en audience solennelle au Palais de la paix de La Haye, dans la matinée du 17 juin 2003, les juges de la Cour internationale de justice (CIJ) ont rejeté la requête du Congo. Brazzaville demandait la suspension d’une procédure engagée en France contre certains de ses dirigeants dans « l’affaire des disparus du Beach » (du nom du litige né de l’élimination présumée de 350 personnes « enlevées » au débarcadère de Brazzaville, en mai 1999), en attendant que la Cour décide si oui ou non la justice française est habilitée à statuer sur la plainte de victimes étrangères visant des faits commis à l’extérieur de la France, et reprochés aux autorités d’un autre pays revêtues d’une immunité diplomatique.
Si la décision de la CIJ semble éconduire la partie congolaise, ses motifs lui sont on ne peut plus favorables. À l’appui de son ordonnance, la Cour a estimé que le Congo ne subit pas le préjudice qu’il évoque dans ses relations internationales, d’autant que son président Denis Sassou Nguesso, le ministre de l’Intérieur Pierre Oba et l’ancien commandant de la sécurité présidentielle Blaise Adoua visés par la plainte du 5 décembre 2001 ne sont pas et ne seront pas poursuivis. La CIJ a donné acte à l’agent et aux avocats de la France qui ont reconnu que ces trois personnalités n’ont fait l’objet d’aucune mesure d’instruction en France, ni de demande d’audition comme témoin, et qu’elles bénéficient « d’immunités de juridiction, tant civiles que pénales ».
La partie française, représentée à l’audience par le seul Ronny Abraham, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, face à une forte délégation congolaise comprenant le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Alain Akouala, l’ambassadeur à Bruxelles Jacques Obia et les conseils Jacques Vergès et André Decocq, a « vidé » le contentieux sur les principaux points de discorde, avant l’audience du 17 juin. Pour le plus grand plaisir de Me Vergès, qui jubile : « La France a fait profil bas pour éviter une condamnation sur le point qui nous tenait le plus à coeur : la poursuite par ses tribunaux d’autorités congolaises protégées par l’immunité diplomatique. Notre victoire est nette : c’est comme si un squatteur avec qui vous êtes en procès quitte votre maison avant que l’audience ne s’ouvre. »
Un triomphe peut-être prématuré parce que l’affaire n’est pas close. La CIJ n’a pas encore rendu sa décision sur le fond, laquelle est surtout importante pour le général Norbert Dabira, inspecteur général des forces armées congolaises. L’officier supérieur, mis en examen le 11 septembre 2002 par le procureur près le tribunal de grande instance (TGI) de Meaux, dans la région parisienne, reste à être libéré de toute poursuite. « Ce qui, aux yeux d’un spécialiste de droit présent à l’audience, peut être une simple formalité si le jugement de l’affaire entamé par la justice congolaise arrive à son terme. Au nom du principe « non bis in idem », on ne peut pas juger à deux reprises une même personne pour les mêmes faits. »
Saisie de l’affaire avant le tribunal de Meaux, la justice congolaise a, à ce jour, entendu une cinquantaine de parties civiles, une dizaine d’officiers supérieurs de l’armée, cinq anciens ministres et une vingtaine d’hommes de troupe. En attendant qu’elle fasse toute la lumière sur le dossier (ce à quoi le gouvernement congolais s’est fermement engagé), la Fédération internationale des Ligues de droits de l’homme (Fidh), partie civile au procès discrètement représentée à La Haye par deux délégués, se réjouit de la poursuite de l’action en cours à Meaux contre Norbert Dabira. Alain Akouala, préoccupé à « sauvegarder l’acquis irréversible sorti de la bouche de la CIJ », déclare : « La crédibilité du Congo a failli à être atteinte à travers des accusations portées contre des personnalités importantes de notre pays. La décision d’aujourd’hui les a mises hors de cause. Et définitivement. »

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