Cessez-le-feu précaire

Charles Taylor va-t-il quitter le pouvoir « dans les trente jours », conformément à l’accord signé entre le gouvernement et les rebelles ? Rien n’est moins sûr.

Publié le 23 juin 2003 Lecture : 3 minutes.

Quelle est l’avenir du cessez-le-feu conclu le 17 juin à Akosombo, à une centaine de kilomètres au nord d’Accra, la capitale du Ghana, entre les rebelles et le gouvernement libérien ? Les propositions du médiateur, le général Abdulsalami Abubakar, ex-président du Nigeria, accompagné, entre autres, de Mohamed Ibn Chambas, secrétaire exécutif de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), n’ont pas soulevé d’objections. Les protagonistes ont compris qu’il était temps de mettre un terme à cinq ans de rébellion armée. Le ministre de la Défense Daniel Chea a donc apposé sa signature à côté de celles de Kabineh Janeh, représentant du Lurd (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie), et de Tiah J.D. Slanger, du Model (Mouvement pour la démocratie au Liberia).
Le texte définit les modalités techniques de l’arrêt des combats, compte tenu du fait que la rébellion contrôle environ 60 % du pays. Il y aura donc un comité de suivi et un groupe de surveillance sur le terrain, placés sous l’égide de la Cedeao. Dans les soixante-douze heures suivant la signature, chaque partie devait faire connaître la position de ses unités et l’emplacement de ses arsenaux pour l’établissement d’une carte de référence des forces en présence et de leurs zones d’influence. Cette mesure paraît difficilement acceptable par les combattants, d’autant qu’il y a déjà eu plusieurs échauffourées entre les ex-belligérants depuis le 17 juin. Le Lurd et le Model doivent également garantir l’accès des humanitaires aux populations et la libre circulation des biens et des personnes, afin de permettre le retour des réfugiés et, surtout, des déplacés, très nombreux dans le centre-ville de Monrovia. Il est aussi prévu l’envoi d’une force internationale de maintien de la paix, à laquelle Ibn Chambas espère vivement que les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne vont participer.

L’originalité de l’accord réside dans le fait qu’il prévoit déjà le traité de paix qui devra être signé « dans les trente jours ». Et en définit les modalités : déploiement sans restriction des soldats internationaux, désarmement, démobilisation et réintégration des rebelles dans l’armée régulière, et réforme des forces de sécurité. Il est aussi prévu des « réformes socio-économiques ».
Mais c’est le point 8 qui apparaît le plus important : il prévoit la formation d’un gouvernement de réconciliation « qui n’inclura pas le président actuel, conformément à sa déclaration faite à Accra le 4 juin, en ouverture des négociations ». S’ensuivront des élections. D’aucuns s’interrogent sur l’opportunité d’exclure Taylor de la période de transition alors que son mandat expire dans six mois. En gage de bonne volonté, le chef de l’État a blanchi le vice-président Moses Blah, après l’avoir fait arrêter pour tentative de coup d’État. Il a aussi promis de ne pas se représenter à la présidentielle. Mais Taylor n’en est pas à une promesse près…

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Le médiateur a peut-être sous-estimé la capacité de nuisance du vieux chef de guerre, qui a déjà fait savoir qu’il ne quitterait le pouvoir que si l’accusation de « crime contre l’humanité », portée contre lui par le Tribunal spécial des Nations unies pour la Sierra Leone, était levée. Le procureur David Crane lui a répondu que cette exigence sera impossible à satisfaire, aucun chef d’inculpation n’étant négociable devant la Cour.

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