Ahmedou Ould AbdallahReprésentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Afrique de l’Ouest
Fils de guerrier, diplômé de Sciences-Po à Paris, Ahmedou Ould Abdallah, élégant Bédouin de 63 ans, est le diplomate des urgences par excellence. Ministre mauritanien des Affaires étrangères de 1979 à 1985, puis représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, il a été de ceux qui ont évité un second génocide, au Burundi, en 1994. Aujourd’hui, le représentant spécial de Kofi Annan en Afrique de l’Ouest porte un jugement sans concessions sur Charles Taylor. Il veut voir le président libérien devant ses juges, même au prix de complications au Liberia.
JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : L’accord de cessez-le-feu sur le Liberia signifie-t-il que, le 18 juillet, Charles Taylor ne sera plus président ?
Ahmedou Ould Abdallah : Charles Taylor a affirmé le 4 juin, à Accra, que s’il posait problème, il était prêt à se retirer. On ne peut pas être plus royaliste que le roi. Et maintenant les parties prenantes sont fondées à lui dire : « Aujourd’hui, il y a un problème… Qu’allez-vous faire ? » Il faut mettre sur la table plusieurs solutions comme sa démission ou sa mise entre parenthèses jusqu’à la fin de son mandat. Et il faut que la communauté internationale verse tout de suite une aide financière au Liberia pour rassurer les rebelles et les partisans de Taylor. On ne peut pas négocier dans le vide !
Les rebelles disent que l’accord oblige Taylor à partir dans les trente jours. Ses partisans disent le contraire. Qui croire ?
Il me semble difficile que Taylor reste jusqu’à la fin de son mandat en janvier 2004. La Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] doit favoriser la mise en place d’un gouvernement crédible qui inclue toutes les sensibilités politiques. Dans nos pays, cela signifie, malheureusement, les groupes ethniques et les factions armées.
Le tribunal spécial de Freetown pour les crimes de guerre en Sierra Leone pourrait-il abandonner ses poursuites contre Taylor ?
La justice internationale est indépendante. Il est donc difficile d’inclure les actes de ce tribunal dans une négociation politique.
S’il perd le pouvoir et s’il reste inculpé par le tribunal de Freetown, a-t-il une autre issue que le maquis ?
Malheureusement non. Je crois en effet qu’il n’a pas d’autre issue que le maquis. L’impunité ou l’instabilité, tel est le dilemme. Ne pas poursuivre ceux qui sont accusés de crimes, c’est encourager l’impunité. Les poursuivre, c’est favoriser l’instabilité. Personnellement, je pense que, dans les pays qui ont subi beaucoup de violences, l’impunité est inadmissible.
Les États-Unis se félicitent de son départ programmé. Taylor est-il, après Saddam, le deuxième chef d’État victime de l’après-11 septembre ?
Je ne le pense pas. La position de Washington sur Taylor date de bien avant le 11 septembre 2001. Et si les rebelles avaient été aidés par les États-Unis, ils auraient peut-être gagné beaucoup plus tôt. Quand un président devient partisan, les gens se rebellent. Ils n’ont pas besoin d’être aidés par les Américains.
En Côte d’Ivoire, les belligérants ne sont toujours pas parvenus à s’entendre sur le nom du futur ministre de la Défense. La réconciliation est-elle en panne ?
Non, je ne crois pas. Il est vrai que le contexte psychologique est très difficile. Des gens qui ont grandi et travaillé ensemble en sont venus aux mains. Quand des amis se brouillent, la réconciliation prend du temps. Mais il n’y a pas eu d’explosion depuis l’accord de Marcoussis. Le président a reçu les Forces nouvelles. Le couvre-feu a été levé. Si on peut fonctionner quelque temps sans ministre de la Défense, pourquoi pas ?
En tant que Mauritanien, que pensez-vous de la tentative de coup d’État du 8 juin à Nouakchott ?
Cet événement m’inspire beaucoup de tristesse. D’après mes informations, il s’agissait d’une tentative d’assassinat sur la personne du chef de l’État. C’est un terrible gâchis. Maintenant, il faut bien gérer l’après-crise. Jusqu’à présent, cela a été très bien fait. Pas de couvre-feu. Pas de difficultés majeures pour la presse. Il faut que le gouvernement continue à conduire une politique nationale.
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