Côte d’Ivoire : des arrestations qui inquiètent à quinze mois de la présidentielle
L’interpellation et le placement en garde à vue de cinq activistes et d’un journaliste, en début de semaine, inquiète au sein des organisations de la société civile. Celles-ci pointent notamment les effets du nouveau code pénal, accusé d’être « restrictif sur les libertés individuelles ».
Mardi 23 juillet six personnes – cinq activistes et un journaliste – ont été arrêtées à quelques encablures de la Commission électorale nationale indépendante (CEI) à Cocody, à Abidjan, alors qu’ils se rendaient dans cette institution pour répondre à un rendez-vous officiel. Placés en garde à vue à la préfecture de police, ils ont été libérés vingt-quatre heures plus tard, sans qu’aucun motif précis ne leur soit signifié, ont-ils affirmé.
Samba David, coordonnateur national de la Coalition nationale pour le changement (CNC), qui conduisait la délégation, avait auparavant appelé à un sit-in devant le siège de la CEI, avant de faire machine arrière après avoir été invité pour « une séance de travail avec les responsables de la CEI ». Ce rendez-vous, et le report de la manifestation devant la CEI, avait été obtenu grâce à l’intervention de la magistrate Aimée Zebeyoux, secrétaire d’État aux droits de l’homme, particulièrement active lors des pourparlers autour de la CEI entre le gouvernement, la société civile et les partis politiques.
Le nouveau code pénal indexé
À quinze mois de la présidentielle d’octobre 2020, ces gardes à vue inquiètent, aussi bien au sein de la société civile que parmi les ONG internationales de défense des droits de l’homme. L’interpellation du journaliste Marcel Louoba Dézogno, du quotidien Le Temps – un journal réputé proche de Laurent Gbagbo -, a notamment été beaucoup critiquée. « Nous suivons de très près cette affaire pour que ses droits soient respectés en la matière, si tant est qu’il était dans l’exercice de ses fonctions », avait assuré mercredi le ministre Sidi Touré, porte-parole du gouvernement, affirmant par ailleurs que les procédures avaient été conformes aux textes et que les droits des personnes interpellées avaient été garantis.
« Plus tôt nous réaliserons que nous sommes sous une dictature, plus vite nous saurons comment réagir », vitupère de son côté Pulchérie Edith Gbalet, qui était au nombre de ceux qui voulaient organiser un sit-in devant le siège de la CEI. La présidente de l’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), particulièrement active depuis sa tentative ratée de faire naître un mouvement de « Gilets Oranges » ivoiriens en décembre 2018, était au nombre de ceux qui voulaient organiser le sit-in devant la CEI. Mais mardi, elle n’état pas présente dans la délégation.
Plus nuancé, Hervé Delmas Kokou, directeur exécutif d’Amnesty Côte d’Ivoire, ne s’en montre pas moins critique. « Nous assistons de façon récurrente à l’interpellation d’acteurs de l’opposition et de la société civile, suite à des actes relevant de leur statut. Ces arrestations sans motifs valables sont des prétextes qui portent atteinte aux droits et libertés défendus par la Constitution ivoirienne », estime le directeur de l’ONG, avant de citer « l’article 20 de la Constitution de 2016, qui dispose que “Les libertés d’association, de réunion et de manifestation pacifiques sont garanties par la loi” ».
Vers un recours devant le Conseil constitutionnel
Christophe Kouamé, président de Citoyens et participation (CIVIS Côte d’Ivoire), une association d’éducation citoyenne, appelle de son côté à une mobilisation contre le nouveau code pénal, adopté le 19 juin dernier, responsable à ses yeux des interpellations visant de ceux qu’il qualifie de « dissidents ».
« La société civile, les syndicats, les partis politiques de l’opposition doivent lire – ou relire – le nouveau code pénal ivoirien et l’intégrer dans toutes leurs actions futures, en raison de son caractère restrictif sur les libertés individuelles », assure-t-il.
Parmi les points que l’activiste soulève, il y a notamment l’obligation désormais faite à toute personne souhaitant organiser une manifestation d’obtenir au préalable une autorisation des autorités. Jusque-là, les manifestations étaient soumises au régime de la simple déclaration. Une disposition que le CIVIS envisage de porter devant le Conseil constitutionnel pour obtenir son annulation. « Si nous n’obtenons pas gain de cause, nous irons sûrement encore devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples », prévient-il.
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