Trois questions à Me Abdessatar Ben Moussa

Publié le 23 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Elu bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tunisie en juin 2004, Me Abdessatar Ben Moussa était considéré jusqu’ici comme un modéré voire un apolitique. Il s’est pourtant illustré en prenant la tête d’une campagne de protestation contre le sort réservé à ses collègues Mohamed Abbou et Faouzi Ben Mrad.

Jeune Afrique/L’Intelligent : Pourquoi cette dégradation dans les rapports du barreau avec le pouvoir ?
Me Abdessatar Ben Moussa : Cette escalade nous a été imposée par les autorités, qui ont multiplié les atteintes à notre profession. Laquelle vit dans des conditions difficiles. Des lois promulguées au cours des vingt dernières années ont considérablement réduit le champ d’activité des avocats, alors que, parallèlement, leur nombre a continué d’augmenter. Le barreau compte près de 4 500 membres, auxquels viennent s’ajouter, chaque année, 400 à 500 nouveaux inscrits. Conséquence : de nombreux collègues vivent dans des conditions matérielles pénibles. Certains n’arrivent pas à payer le loyer du bureau et le salaire de la secrétaire. La majorité n’a pas d’assurance maladie.
L’avocat ne bénéficie par ailleurs d’aucune immunité. Ainsi, en vertu de l’article 46 de la loi du 7 septembre 1989 portant sur l’organisation de la profession, nous pouvons être poursuivis pour nos plaidoiries et la décision d’engager des poursuites contre nous est laissée à la discrétion du juge. C’est sur la base du dernier alinéa de cet article que Me Ben Mrad a été jugé, séance tenante, et écroué immédiatement. Le ministre de la Justice et des Droits de l’homme avait pourtant annoncé, au début de l’année, qu’il allait être abrogé.
L’avocat ne bénéficie, par ailleurs, d’aucune forme de protection dans l’exercice de sa profession, même dans la salle d’audience, alors que, dans beaucoup de pays, il a droit à la même protection que les magistrats.
J.A.I. : Ces problèmes n’auraient-ils pas pu être réglés par le dialogue ?
Me A.B.M. : Le dialogue est le meilleur moyen pour résoudre les problèmes, à condition qu’il soit sérieux, direct et ne traîne pas en longueur. Les problèmes évoqués ne datent pas d’hier. Ils ont été soulevés par tous les précédents bâtonniers. Nos principales revendications, à savoir la protection des avocats et l’élargissement de leur champ d’activité, pourraient être satisfaites par des mesures législatives et réglementaires faciles à mettre en route.
Je dois aussi signaler, à ce propos, que les procès de Me Abou et Me Ben Mrad ont été entachés d’atteintes aux droits de la défense. Si des avocats ne peuvent faire valoir leur droit à des procès équitables, qu’en est-il alors des simples justiciables ?
J.A.I. : Vous avez été élu, en juin 2004, sur la base d’un consensus au sein de la corporation pour barrer la route à des candidats très marqués politiquement. Mais vous voilà déjà rattrapé par la politique.
Me A.B.M. : Je suis un homme rigide sur les principes et souple dans l’action. J’ai été élu sur la base d’un programme électoral entièrement axé sur des revendications professionnelles. J’ai dit à mes collègues, le jour de ma prise de fonctions : « Je ne suis pas le bâtonnier du pouvoir, ni celui de l’opposition. Je suis le bâtonnier de tous les avocats quelles que soient leur appartenance politique. » J’ai cherché à ouvrir un dialogue constructif avec les autorités. Mais ce qui s’est passé lors du procès de Me Abbou, notamment l’occupation du palais de justice par les policiers et l’atteinte à l’intégrité physique des avocats, est inadmissible. Cela n’honore pas notre pays.

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