Second souffle ?

Publié le 23 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Blocage, sclérose, coma… Observateurs et analystes ne sont pas avares de termes peu amènes pour décrire l’état de l’Union du Maghreb arabe (UMA). Cette organisation, incapable de réunir un sommet depuis 1994, est le seul ensemble sous-régional d’Afrique à connaître de telles défaillances. Depuis quelques semaines, cependant, l’UMA semble donner des signes de reviviscence. Les médias locaux parlent déjà de reprise et de relance. Nouveau départ ? Trop tôt pour l’affirmer.
Saïd Aribi Hafiane, vice-ministre libyen des Affaires étrangères, s’est rendu, du 10 au 14 mai, successivement à Tunis, Alger, Nouakchott et Rabat. L’envoyé spécial du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, président en exercice de l’UMA, a remis aux chefs d’État de la région des messages les conviant au sommet de l’organisation régionale, prévu les 25 et 26 mai, à Syrte.

Créée le 17 février 1989 par le traité de Marrakech, l’UMA vise à établir une zone de libre-échange en Afrique du Nord sur le modèle de celle de l’Union européenne. Les statuts de l’organisation prévoient une réunion annuelle des chefs d’État. Or, après un départ prometteur, marqué par la tenue de six grands rendez-vous en six ans, aucun sommet de chefs d’État n’a pu être organisé, le dernier s’étant déroulé à Tunis, en 1994.
Cette paralysie est due au désaccord persistant entre le Maroc et l’Algérie au sujet du Sahara occidental, Rabat reprochant à Alger son soutien au mouvement indépendantiste du Polisario, qui lui dispute, depuis 1975, cette ancienne colonie espagnole. Elle est due aussi au refroidissement des relations entre la Mauritanie et la Libye, Tripoli stigmatisant Nouakchott pour avoir noué des relations diplomatiques avec Israël sans avoir consulté au préalable ses partenaires maghrébins, et Nouakchott accusant Tripoli d’avoir aidé, en 2003, des insurgés mauritaniens à fomenter un coup d’État visant à renverser le président Maaouiya Ould Taya. À quoi peut-on attribuer le semblant de détente que l’on observe aujourd’hui ?

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À l’issue du sommet de la Ligue arabe à Alger, les 22 et 23 mars, le roi Mohammed VI a effectué la première visite officielle d’un souverain alaouite en Algérie depuis celle de Hassan II en 1991. Le souverain marocain a fait forte impression en se promenant, sans protocole ni gardes du corps, dans les grandes artères algéroises. Le geste a été apprécié. Avec son hôte, le président Abdelaziz Bouteflika, ils ont convenu de la nécessité de relancer l’édification du Maghreb, en mettant de côté le sujet qui fâche : la question du Sahara occidental.
Outre le dégel des relations algéro-marocaines, un autre événement a permis les espoirs de renouveau maghrébin : le président Ould Taya a accepté de mettre une sourdine à ses griefs contre la Jamahiriya, qu’il a longtemps accusée de chercher à renverser son régime. Après avoir reçu, le 17 février, les chefs de la diplomatie de l’UMA, le président mauritanien s’est engagé à participer au processus de redynamisation de l’organisation. Quant au soudain intérêt de Kadhafi pour la relance de l’Union, il pourrait s’expliquer par son propre agenda. Si le « Guide », après avoir mis en doute, à maintes reprises, l’utilité et la viabilité de l’ensemble maghrébin, préférant concentrer ses efforts sur l’Union africaine, semble s’intéresser de nouveau à l’UMA, c’est que, selon l’expression d’un diplomate libyen, elle représente « le billet d’entrée de la Libye dans le Club de Barcelone ». Car, contrairement à Tunis, Rabat et Alger, qui sont liés par un accord d’association avec l’Union européenne portant création d’une zone de libre-échange en 2010, Tripoli est resté en dehors de ce processus. Kadhafi espère donc faire du VIIe Sommet de l’UMA une passerelle pour Barcelone.

Au nombre des facteurs de détente, on peut également citer, pêle-mêle, les effets de la mondialisation, la prise de conscience des gouvernants sur les pertes économiques dues aux lenteurs de la construction maghrébine, les pressions extérieures, notamment celles de l’Union européenne et des États-Unis, qui ne cessent d’appeler leurs partenaires maghrébins à intégrer leurs économies, à harmoniser leurs politiques et à se constituer en entité régionale viable.

De quoi l’ordre du jour sera-t-il fait ? Outre les sempiternelles questions organiques (renouvellement du mandat du secrétaire général, répartition géographique des structures, institutions communes…), les chefs d’État devraient plancher sur la proposition de transformer le secrétariat général, dont le siège se trouve à Rabat, en Commission exécutive, suivant le modèle de l’Union européenne ou de l’Union africaine. Devraient être également abordés le capital et les statuts de la Banque maghrébine, dont l’installation est prévue à Tunis. Enfin, en marge des discussions à cinq, seront sans doute examinées les questions touchant aux relations bilatérales. Au premier rang desquelles la réouverture des frontières terrestres entre l’Algérie et le Maroc, fermées depuis août 1994. Une situation qui bénéficie surtout aux trafiquants de toutes sortes, qui réalisent, selon des enquêteurs algériens, un chiffre d’affaires annuel de quelque 600 millions de dollars. Des sources officielles marocaines avancent le chiffre de 380 produits finis algériens présents sur le marché local par le biais de l’économie informelle. Il est peu probable qu’une décision soit prise à Syrte, mais le terrain devrait être au moins déblayé.

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