N’exagérons rien !

Publié le 23 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Les livres, les articles dans les médias ainsi que les rapports officiels ou officieux sur le thème du déclin de la France se multiplient depuis quelques années. Quand, comme parfois, ils évoquent le lent mais constant recul depuis un siècle – et surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – de l’influence de ce pays d’à peine 60 millions d’habitants qui fut autrefois l’une des deux grandes puissances de la planète, ils ne font que constater, de manière plus ou moins intéressante et plus ou moins subtile, une évolution que nul ne saurait nier. Ils ne méritent donc pas d’être contestés, même si l’on peut se trouver en désaccord sur tel ou tel point de détail. Mais quand, comme le récent rapport Camdessus, qui a fait tant de bruit et dont le dossier que vous venez de lire fait ressortir l’essentiel, ils dénoncent l’affaiblissement radical voire l’effondrement probable de l’économie française dans les temps prochains, on peut avouer sa perplexité.
Certes, les arguments avancés un par un par la commission d’experts qu’animait l’ancien directeur général du FMI ne sont jamais irrecevables et sont même fréquemment pertinents : les dysfonctionnements de l’« entreprise France » qu’ils ont repérés et les politiques malencontreuses qui sont à leur origine existent bel et bien le plus souvent et il serait heureux pour l’avenir du pays que des stratégies et des mesures appropriées viennent aider à les corriger. Mais de là à en conclure que la France s’en sort beaucoup moins bien que les autres nations et que cette situation va nécessairement s’aggraver, comme on pourrait le penser à la lecture de ce rapport, il y a un pas que rien n’oblige à franchir, bien au contraire.
Si l’on examine les performances récentes de la France et celles des principaux pays comparables, autrement dit celles des autres États européens d’une certaine importance, force est de constater que l’exercice ne conduit pas à s’alarmer outre mesure. Avec des hauts et des bas, Paris soutient fort bien la comparaison avec l’Allemagne, plutôt en retard dans presque tous les domaines (taux de croissance, chômage, activité des grandes entreprises, etc.), et aussi avec l’Italie ou, pour l’essentiel, l’Espagne. Seule la Grande-Bretagne peut, sur une certaine durée, faire état de résultats meilleurs, notamment en termes d’emploi et dans une moindre mesure de croissance. Mais il faudrait même relativiser ce verdict qui doit beaucoup à des effets de change (l’évolution relative de la livre et de l’euro) et à des causes non durables (la production pétrolière du Royaume-Uni, qui a déjà connu son apogée).
En clair, si la France est globalement en déclin, tout comme la Grande-Bretagne d’ailleurs, c’est surtout par rapport à sa grandeur passée. Et surtout dans des domaines – culturels, scientifiques, etc. – que n’explore guère le rapport Camdessus. Sinon le pays, dont la croissance n’a jamais cessé d’être positive depuis des décennies, sous le règne des gouvernements de gauche comme sous celui des cabinets de droite, ne paraît vraiment pas sur le point de connaître une crise majeure d’un point de vue économique. Pas même une panne du type de celle que connaît le Japon depuis plus de dix ans. Certes, le dynamisme des États-Unis, que menacent malgré tout les énormes déficits des comptes publics et du commerce extérieur, tout comme le rapide développement des pays émergents, Chine et Inde en tête, continuent à faire reculer le poids relatif de l’économie française au niveau mondial. Mais cette évolution inéluctable ne fera que confirmer ce que l’on sait depuis déjà longtemps : la France, à coup sûr au plan économique, et de plus en plus d’une manière générale, n’est plus qu’une puissance moyenne. Qui conserve tout au plus des vestiges de son glorieux passé. Et qui a du mal à gérer les changements nécessaires, sauf en situation de crise. On peut en prendre acte sans pour autant se livrer avec un certain masochisme à des exercices d’autoflagellation que rien ne justifie vraiment. Sauf s’il s’agit simplement – c’était peut-être l’objectif de la « Commission Camdessus » – de crier au loup pour obliger les pouvoirs publics français à mieux préparer l’avenir.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires