Malabo demande justice

Les principaux auteurs de la tentative de putsch de mars 2004 sont désormais connus. Mais les véritables commanditaires n’ont pas encore été inquiétés.

Publié le 23 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

Après plus de quatorze mois à la prison de Chikurubi, les mercenaires accusés de tentative de putsch contre la Guinée équatoriale ont finalement quitté Harare. Au cours de l’après-midi du 15 mai, les douaniers de Beit Bridge, principal poste-frontière entre le Zimbabwe et l’Afrique du Sud, ont laissé passer un à un les 61 hommes, tous porteurs d’un passeport sud-africain.
Condamnés à douze mois de prison pour violation de la législation zimbabwéenne sur l’immigration et détention d’armes à feu, ils ont purgé leur peine, mais leurs déboires judiciaires ne sont pas terminés pour autant. Les prévenus qui ont été détenus depuis leur arrestation, le 7 mars 2004 sur l’aéroport de Harare dans un avion en provenance d’Afrique du Sud, vont maintenant être entendus pour violation de la loi interdisant toute activité mercenaire. Ce texte sur « la régulation de l’assistance militaire à l’étranger » interdit à tout citoyen ou résident sud-africain de « recruter, utiliser, entraîner » des personnes en vue d’activités mercenaires, mais également d’y « participer » ou de les « financer ».
Les deux pilotes de l’avion, un Boeing 727 saisi par les autorités zimbabwéennes, devraient, pour leur part, être libérés dans deux mois, au terme de leur peine pour violation des lois sur le transport aérien. Quant au cerveau présumé du complot, le Britannique Simon Mann, fondateur de l’agence de mercenaires (aujourd’hui dissoute) Executive Outcomes, il a été condamné pour trafic d’armes à sept ans de prison, ramenés ensuite à quatre ans. Il reste donc incarcéré au quartier de haute sécurité de Chikurubi. Les autres membres du groupe, déployés en éclaireurs sur le terrain et arrêtés le 6 mars 2004 à Malabo, demeurent également sous les verrous. Condamnés le 26 novembre 2004 par la justice équatoguinéenne, ils ont écopé de lourdes peines : trente-quatre ans de détention pour le Sud-africain Nick du Toit et dix-sept ans pour quatre de ses acolytes.
L’affaire du putsch manqué de Malabo est loin de connaître son épilogue. Et l’enquête de la police sud-africaine pourrait bien trouver un nouveau souffle avec l’interrogatoire des chiens de guerre rapatriés de Harare. Devant la justice zimbabwéenne, ceux-ci ont toujours nié leur implication dans la tentative de putsch contre le président Teodoro Obiang Nguema. Face à la police sud-africaine, ils acceptent de plaider coupable, une procédure qui permet au prévenu d’échapper à un long marathon judiciaire et, éventuellement, à un procès public. L’un des plus célèbres protagonistes de l’affaire, Mark Thatcher, en a d’ailleurs bénéficié le 13 janvier dernier. Accusé d’avoir financé la tentative de coup d’État, le fils de l’ancien Premier ministre britannique, qui a reconnu avoir contribué à hauteur de 275 000 dollars à l’opération, a été condamné par la Haute Cour du Cap à quatre ans de prison avec sursis ainsi qu’à une amende de 3 millions de rands (environ 380 000 euros). Moyennant quoi il a pu quitter le pays.
Exilé en Espagne, Severo Moto, l’opposant au régime équatoguinéen, qui est couramment désigné comme l’instigateur du complot, pourrait bien, lui, se trouver prochainement dans une situation très inconfortable. Alors qu’il n’avait pas donné signe de vie depuis la mi-mars, ce dernier est réapparu mystérieusement en Croatie le 27 avril. De retour à Madrid quelques jours plus tard, il a déclaré à la presse que les services de renseignements espagnols avaient planifié de le tuer.
Aussi fantasques que ces propos puissent paraître, ils n’en ont pas moins déplu à ses hôtes. Lesquels envisagent maintenant de réexaminer son statut de réfugié politique. La Commission interministérielle espagnole sur le droit d’asile n’exclut pas de se réunir pour statuer sur son cas. Le 27 février, le ministre des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos s’est rendu à Malabo, où il s’est montré déterminé « à empêcher la planification ou l’organisation depuis le territoire espagnol d’actions de déstabilisation ou de tentatives de prise du pouvoir par des voies non démocratiques ».
Pour leur part, les autorités équatoguinéennes, qui réclament toujours l’extradition de Moto, poursuivent leur combat sur le terrain judiciaire. Le procureur de la République José Olo Obono s’est envolé le 17 mai pour l’Afrique du Sud pour suivre de près la procédure engagée contre les 61 rapatriés du Zimbabwe. Des efforts sont également déployés au Liban, où réside actuellement l’homme d’affaires Elie Khalil, soupçonné d’avoir financé l’opération de déstabilisation avec Severo Moto. Ce courtier en hydrocarbures anglo-libanais a fait fortune dans le pétrole africain, notamment au Nigeria et en Angola. Il vit depuis plusieurs années à Londres, mais réside actuellement à Beyrouth.
Malgré la procédure lancée au Liban contre lui par Malabo, Elie Khalil ne semble pas craindre pour sa liberté. Le président Obiang Nguema a bien évoqué son cas avec son homologue Émile Lahoud, en marge de l’enterrement du pape Jean-Paul II à Rome le 8 avril dernier. Mais la justice libanaise ne paraît pas pressée d’auditionner le suspect, qui serait en relation d’affaires avec un proche d’un ex-chef de l’État libanais. Ce qui peut aider à bénéficier d’une certaine bienveillance de la part des autorités judiciaires locales.
Rien de nouveau sur le chemin de la justice. Avec la remise en liberté de Mark Thatcher, Malabo, qui a vu s’éloigner un témoin capital, dont il réclamait l’extradition depuis le 27 août 2004, craint aujourd’hui que Khalil ne lui échappe. Et, avec lui, les autres commanditaires présumés du putsch. Car le courtier n’est certainement pas seul impliqué. Les magistrats équatoguinéens s’intéressent notamment au rôle joué par d’éminents sujets britanniques. Parmi eux, des hommes d’affaires, comme Greg Wales, mais aussi des hommes politiques, comme David Hart, qui fut conseiller de Margaret Thatcher, et lord Archer, ex-parlementaire conservateur en rupture de ban. Mais, à Londres aussi, les procédures judiciaires semblent rencontrer certains obstacles.

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