Les Tunisiens et la lecture

La Foire internationale de Tunis, qui s’est déroulée du 22 avril au 2 mai, a connu un très grand succès populaire. Ce n’est pas pour autant un signe de bonne santé pour le secteur du livre dans le pays.

Publié le 24 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Les Tunisiens lisent-ils ? Inutile d’interroger les autorités de tutelle, elles ne disposent pas de sondages, et les quelques enquêtes sur le sujet ont un caractère académique ou confidentiel. Il vaut mieux aller sur le terrain, en visitant, en l’occurrence, la Foire du livre qui s’est tenue du 22 avril au 2 mai au Palais des expositions du Kram. La réponse est plutôt rassurante, si l’on en juge par le fait que cette manifestation s’est imposée comme un des moments forts du calendrier culturel de Tunisie : elle a réuni cette année la production de 500 éditeurs, dont 138 représentés pour la première fois, drainant, surtout, un large public malgré les deux ou trois matchs de football qui ont vidé ponctuellement ses pavillons.
Là encore, les chiffres font défaut, mais les responsables parlent de quelque 200 000 visiteurs. Certes, le livre est cher, beaucoup de visiteurs ne font que hanter les allées et certains viennent juste pour le plaisir de garnir leurs bibliothèques d’ouvrages qu’ils ne liront jamais. Mais des familles de condition modeste n’hésitent pas à faire de lourds sacrifices, des enfants font provision de contes, des étudiants se déplacent pour l’occasion de l’intérieur du pays. Ce qui fait dire au directeur de la Foire, Boubaker Ben Fraj, que « c’est une foire des Tunisiens, pas de Tunis ».
Tel est en effet le signe distinctif de cette manifestation : salon du public et non des institutions, rendez-vous du lecteur avec le livre et non celui des « gens de la profession », la Foire échappe au concept de « marché » et au diktat du gain à tout prix. À ce titre, ses organisateurs estiment légitime de sélectionner les livres qui y seront en vente afin de répondre aux objectifs « essentiellement culturels » qu’ils se sont fixés. La préférence donnée cette année à la littérature vise ainsi à endiguer le flot de livres religieux qui ont envahi ces derniers temps les stands de la plupart des salons arabes. La forte participation des éditeurs étrangers va également dans ce sens. Avec quelque cent maisons françaises, et de nombreuses autres d’Europe et du Canada, le choix obéissait à la même consigne de décloisonnement et de variété.
Autre caractéristique : la participation personnelle des éditeurs. « Nous voulons que l’éditeur soit présent en personne et que les distributeurs ou les représentants ne lui fassent pas écran », assène Ben Fraj. Comme pour les Journées cinématographiques de Carthage, les Tunisiens refusent par ailleurs de céder aux paillettes et préfèrent cadrer leurs manifestations sur la qualité des invités et non leur célébrité : « Nous invitons des auteurs pour ce qu’ils ont écrit, non pour ce qu’ils sont pour les médias. »
Enfin, pour cette vingt-troisième édition, un effort a été consenti sur la communication : nouveau catalogue – avec pour la première fois une base de données -, nouveau visuel aux formes et couleurs modernes « afin que le public perçoive le livre comme quelque chose qui est dans le siècle », commente Boubaker Ben Fraj.

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