Les grands chantiers

Du secteur minier à l’industrie pharmaceutique en passant par l’agriculture, le transport ferroviaire ou les travaux publics, les opportunités d’investissements ne manquent pas. Reste à trouver le bon filon…

Publié le 24 mai 2005 Lecture : 11 minutes.

Industrie
Des médicaments pour tous
Blanche à l’extérieur, blanche à l’intérieur. La première usine pharmaceutique de médicaments génériques d’Afrique centrale respire la propreté et la rigueur indispensables pour ce genre d’activité. « Les équipements sont en place et depuis l’inauguration, en février dernier, nous formons le personnel. Les premiers comprimés seront mis sur le marché d’ici à un ou deux mois », déclare le directeur de la Société gabonaise de fabrication de médicaments (Sogafam), Thomas Haahr. Située près de Libreville, dans la zone industrielle d’Owendo, divisée en blocs indépendants avec du matériel adapté pour chaque étape de fabrication, disposant d’un sas de protection à l’entrée, d’un système de ventilation et de climatisation pour chasser la moindre poussière, cette micro-usine conçue par le groupe belge Propharex a été vendue clé en main à l’État gabonais pour 3,2 milliards de F CFA. Dans un premier temps, la Sogafam va proposer du paracétamol techniquement assez facile à fabriquer. Mais, très vite, il est prévu de produire un traitement antipaludéen à base d’une plante chinoise, l’artemisia, particulièrement efficace. Le paludisme est la première cause de mortalité infantile en Afrique. Pour répondre à une éventuelle pénurie d’approvisionnement, des plantations locales d’artemisia ont été expérimentées. Les premiers résultats sont encourageants et les responsables du projet envisagent de passer à la vitesse supérieure. Un autre projet porte sur plusieurs combinaisons antirétrovirales contre le virus du sida. « L’installation de cette unité entre dans le cadre de notre politique nationale de santé pour favoriser l’accès aux soins pour toutes les couches sociales », explique le docteur Adolphe Mabongo, directeur du médicament au ministère de la Santé.
À l’heure actuelle, l’Office pharmaceutique gabonais bénéficie de tarifs négociés sur les traitements anti-VIH dans le cadre d’un programme international. Une trithérapie « importée » coûte entre 35 000 et 90 000 F CFA par mois selon les molécules utilisées, mais elle n’est facturée aux patients que 10 000 F CFA au maximum. La différence est à la charge de l’État. Reprenant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la production locale de médicaments génériques va donc permettre de réduire les coûts tout en s’affranchissant des grands laboratoires internationaux.
« En étant sur place, nous collons à la demande et nous répondons aux besoins des hôpitaux. À chaque fois, la procédure est la même : nous importons le principe actif en provenance, le plus souvent, de Chine ou d’Inde. Puis nous conditionnons le médicament sur place en respectant des procédures de qualité très rigoureuses », précise Thomas Haahr. La capacité de production est de 40 000 capsules et de 200 000 comprimés par heure pour un marché régional de 30 millions de personnes.
À terme, les deux expatriés présents quitteront Owendo, « lorsque le transfert de technologie sera effectif », alors que d’autres projets similaires doivent voir le jour au Bénin, au Nigeria, en Tanzanie, en Ouganda ou encore en RD Congo. Quant aux autorités gabonaises, elles estiment que la bataille pour l’indépendance pharmaceutique ne fait que commencer. La ministre de la Santé, Paulette Missambo, vient d’annoncer la construction « prochaine », en partenariat avec le Brésil cette fois, d’une deuxième usine d’antirétroviraux.

Mines
Nouvel eldorado ?
Nous sommes le 8 mars au Palais du bord de mer. Le président Omar Bongo Ondimba et le patron de la société brésilienne Companhia Vale do Rio Doce (CVRD) signent une convention pour l’exploitation du très prometteur gisement de fer à Belinga, dans le nord du pays. « Une date historique », selon le ministre des Mines, du Pétrole, de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Auguste Onouviet. Avec des réserves de minerai estimées à 1 milliard de tonnes, Belinga est considéré comme l’un des derniers grands bassins de fer inexploité de la planète. Les premiers wagonnets devraient sortir de la mine d’ici à deux ou trois ans. Pour cela, de gigantesques travaux d’infrastructures sont nécessaires, avec 200 kilomètres de voies ferrées, un port en eau profonde à Santa-Clara, près de Libreville, des routes et un barrage hydroélectrique pour fournir l’énergie nécessaire. « Le prix exorbitant de ces travaux (300 milliards de F CFA) a retardé ce projet, reconnaît le ministre, mais l’inextinguible soif de minerais de la Chine et la très forte hausse des prix qui en résulte ont donné un coup d’accélérateur. » Dans ces conditions, la CVRD, leader mondial de l’exploitation de fer, possède 51 % du consortium, mais deux sociétés chinoises, la CMEC (China National Machinery and Equipment Import and Export Corporation) et Sinosteel, ont obtenu un ticket d’entrée. Derrière ces trois géants, la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), filiale du groupe métallurgique français Eramet, décroche 10 % des parts. Un niveau « conforme à nos capacités financières », précise son directeur général Marcel Abéké. Au total, ce projet devrait générer des milliers d’emplois.
Mais outre le fer de Belinga, « le Gabon a l’ambition et la capacité de devenir le premier producteur au monde de manganèse », ajoute Auguste Onouviet. Dans le sud-est du pays, le gisement de Moanda est exploité depuis les années 1960 par la Comilog. La production est régulière et de bonne qualité : 3 millions de tonnes devraient être extraites en 2006. Mais, là encore, les Français vont devoir affronter la concurrence internationale, puisque les Brésiliens ont entrepris des opérations d’exploration dans la même région, à Okondja et Franceville, précisément. Les réserves y sont estimées à 175 millions de tonnes.
Enfin, un autre minerai attire aussi les convoitises. Il s’agit du niobium, utilisé pour les alliages très résistants dans l’aéronautique, notamment. La demande est actuellement très forte. Un gisement avait été exploité durant les années 1990 dans la région de Lambaréné. Délaissé, il est sur le point d’être relancé et une société a été créée dans cet objectif : la société Maboumine, avec l’assistance technique et l’appui de la Comilog, prévoit d’investir plus de 36 milliards de F CFA et de créer environ 260 emplois directs.

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Infrastructures
Le Transgabonais « à vendre »
Six cent cinquante kilomètres de rails à travers la forêt équatoriale entre Libreville et Franceville permettant d’acheminer l’essentiel du bois et du manganèse vers la capitale : ce gigantesque projet ferroviaire voulu par le président Omar Bongo Ondimba, contre l’avis des bailleurs de fonds, et construit dans les années 1970 revêt une importance capitale pour l’économie du pays. Et pourtant, sa gestion est des plus chaotiques.
Privatisé en 1999, l’Office du chemin chemin de fer Transgabonais (Octra) a été repris, pour une concession de vingt ans, par un groupement comprenant des sociétés forestières et la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Gabon (Bicig). Mais, en mai 2003, pour divers motifs (retard de paiement, défaut d’entretien, déraillements trop fréquents), le gouvernement a finalement retiré cette concession au consortium indélicat
pour confier la gestion du chemin de fer à la Setrag. Cette société est une filiale de la compagnie minière Comilog, principal utilisateur de la ligne pour évacuer le manganèse depuis le gisement de Moanda. Ce mandat a été régulièrement renouvelé, mais, faute de statut juridique clarifié et de lisibilité, aucun investissement n’a pu être réalisé. Les problèmes techniques sont courants et le matériel défectueux n’est pas remplacé. « Nous sommes restés bloqués plusieurs heures, en pleine forêt », déclare un passager furieux de retour à Libreville. Ce genre d’incident est fréquent, selon plusieurs témoignages recueillis.
Conformément aux engagements pris auprès du Fonds monétaire international (FMI), le gouvernement a donc réactivé le dossier et lancé, le 2 avril dernier, un appel d’offres pour l’exploitation du Transgabonais, sous forme de concession privée. Le gouvernement recherche « une société dotée de capacités techniques et financières pour la consolidation
et le développement de l’activité ferroviaire ». À ce jour, aucun candidat ne s’est officiellement prononcé, mais, pour un expert économique en poste à Libreville, la Comilog est logiquement la mieux placée. En 2004, 819000 tonnes de grumes, 2,3 millions
de tonnes de manganèse et plus de 200 000 passagers ont été transportés par le Transgabonais.

Agriculture
Retour à la terre
A Lambaréné, le logo Siat est déjà sur le portail. Derrière, les bureaux, l’usine de raffinage et les citernes d’huile de palme de l’ancienne Agrogabon sont en réfection. « Nous allons investir 13 milliards de F CFA [20 millions d’euros] pour redémarrer
l’ensemble des activités cette année, et 65 milliards sur dix ans », déclare Pierre Vandebeeck, président-directeur général de la Société d’investissement pour l’agriculture tropicale (Siat). Le groupe belge a racheté, en avril 2004, les sociétés publiques Hevegab
(hévéa) et Agrogabon (huile de palme), ainsi qu’un élevage bovin situé dans la province méridionale de la Nyanga. Le montant de l’acquisition : 6 milliards de F CFA. Les dettes,
estimées à 20 milliards, ont été reprises intégralement par l’État. « Une bonne affaire », reconnaît Pierre Vandebeeck, qui y voit une reconnaissance de sa compétence. Il est vrai que sa société est déjà active au Ghana et au Nigeria dans ce même secteur d’activité, l’agro-industrie.
Les plantations d’hévéas de 7000 hectares sont situées dans la province du Woleu-Ntem, dans le nord du pays. L’usine de traitement de Mitzic produit actuellement 1000 tonnes
par mois, mais ce chiffre est appelé à croître alors que le marché du caoutchouc naturel est en pleine expansion, expansion, dopé par la demande des dévoreurs de gomme, comme Michelin et Bridgestone.
Pour l’huile de palme, en revanche, il n’est pas prévu de dépasser les frontières
gabonaises, mais le potentiel est énorme, puisque l’huile alimentaire et les savons actuellement consommés dans le pays sont importés. Pour satisfaire la demande intérieure estimée à 30000 tonnes, Siat dispose de 8500 hectares de palmiers à Makouké, dans la province du Moyen-Ogooué, et de l’usine à Lambaréné. Enfin, concernant enfin le ranch de la Nyanga, qui s’étend sur une superficie de 100 000 hectares, il doit prochainement
accueillir 5 000 génisses en provenance de la République démocratique du Congo. À terme, le cheptel doit compter 20 000 têtes.
Dans ce pays où la facture alimentaire atteint les 500 milliards de F CFA par an, « les potentialités qu’offre le secteur sont très importantes, et nous visons au moins 10 % du marché intérieur de la viande », précise Pierre Vandebeeck qui poursuit : « Nous avons été sollicités, car nous réunissions les trois conditions nécessaires : connaître le métier, avoir les moyens et être patients. En contrepartie, j’ai demandé aux autorités des garanties. » Ainsi, la Siat est exonérée d’impôts pendant trois ans et bénéficiera ensuite d’un abattement de 50 % sur le régime général. Le marché intérieur doit par ailleurs être protégé, avec une augmentation des taxes à l’importation, notamment sur l’huile. Un projet de loi va être voté prochainement au Parlement. « Les négociations ont été rapides », confie le PDG de la Siat, avant d’ajouter qu’il compte gagner de l’argent dans cinq ou six ans et distribuer les premiers dividendes aux actionnaires en 2011. Si tout va bien. D’ici là, 2 000 personnes ont été recrutées et la filiale gabonaise prévoit
d’ouvrir son capital à de petits actionnaires. Le personnel ainsi que les planteurs
d’hévéas et de palmiers seront les premiers concernés.

Travaux
Un pont pour trois
On l’appelle déjà le « pont des trois frontières ». Situé tout au nord du Gabon, long de 180 mètres, l’ouvrage qui enjambe le fleuve Ntem à Eboro permet désormais de rejoindre le Cameroun. Une bretelle routière de 18 kilomètres permet en outre de relier la Guinée équatoriale. Les travaux ont débuté en 2003 et l’inauguration est prévue en septembre
prochain. Le coût global du projet est de 16 millions d’euros (11 milliards de F CFA), entièrement financé par l’Union européenne sous forme de don. Outre la construction de l’ouvrage, un programme a également pris en charge la reconversion des piroguiers qui,
auparavant, assuraient la traversée, ainsi que la sensibilisation des camionneurs face au danger du sida. « L’Union européenne est persuadée que ce pont contribuera au développement des échanges régionaux en permettant de relier Libreville à Yaoundé et Douala. C’est l’une des clés de l’intégration économique en Afrique centrale », estime le représentant de l’UE au Gabon, Jochen Krebs. « L’obstacle physique est à présent levé, ajoute le diplomate, il reste à présent à promouvoir la libre circulation des personnes
et des biens dans le cadre de l’Union douanière. »
Construire, c’est bien, encore faut-il entretenir. Pour cela, les utilisateurs seront certainement sollicités, notamment les forestiers. Au niveau national, l’État est quant à lui doté d’un Fonds d’entretien routier (FER), financé avec le soutien des bailleurs
internationaux. Les routes du Gabon en ont grand besoin.

Transport
Air Gabon dans la tourmente
C’est sans doute le dossier le plus sensible actuellement à Libreville. En proie à de graves difficultés financières depuis plusieurs années, Air Gabon bat de l’aile. La compagnie se trouve même « en cessation de paiement », selon une déclaration du Premier ministre. Devant les sénateurs, le 5 avril dernier, Jean-François Ntoutoume Emane s’est montré particulièrement pessimiste. « La crise se caractérise par un lourd endettement, un déficit en appareils opérationnels et un personnel pléthorique. » Selon le chef du gouvernement, la dette de la compagnie, dont le capital est entièrement détenu par l’État, atteint 21,3 milliards de F CFA (32,5 millions d’euros) alors que les besoins en financement pour l’année 2005 s’élèvent à plus de 13 milliards. « Cette charge ne peut pas être supportée entièrement par l’État », a-t-il conclu. Quelques jours plus tard, le 19 avril, le président Omar Bongo Ondimba annonçait la disparition de l’actuelle société, et la création d’une nouvelle compagnie aérienne, dénommée Air Gabon International. Pas de quoi rassurer les 1 100 agents qui multiplient, depuis plusieurs semaines, les mouvements de grève pour réclamer le paiement de primes et d’arriérés de salaires. « Nous nous inquiétons pour l’avenir de la compagnie et nous demandons des garanties », précise Maixent Hubert Ndong Odzame, président du Syndicat du personnel d’Air Gabon (Sypag). Le directeur général, Jérôme Ngoua Bekalé, indique pour sa part que « des dispositions sont prises pour régler la question des arriérés », avant de déplorer « l’attitude radicale d’une partie du personnel qui risque d’aggraver la situation ».
Air Gabon possède deux appareils seulement, mais ils sont cloués au sol en raison d’une panne de moteur. Selon des informations recueillies à Libreville, le groupe français Snecma, chargé de l’entretien des aéronefs, exige d’être payé avant d’entamer les réparations. Trois autres avions sont loués. C’est notamment le cas du Boeing 767 qui effectue les rotations avec Paris, mais le contrat de leasing arrive à échéance le 10 juin. Selon un observateur, la situation est donc « compromise ». Seule porte de sortie, la compagnie régionale Air Cemac, annoncée par les chefs d’État de l’Afrique centrale. Reste que le principal partenaire technique et actionnaire pose ses conditions. Royal Air Maroc (RAM) exige l’exclusivité sur les lignes intercontinentales, entre l’Afrique et l’Europe, qui représentent 70 % du chiffre d’affaires. La compagnie marocaine ne rachèterait que les droits de vols et ne reprendrait que les dettes auprès de l’Agence internationale du transport aérien (IATA). Si ce scénario est retenu, Air Gabon ne conserverait que les lignes africaines et 750 emplois seraient menacés. Reste à savoir si les autorités ont vraiment le choix ?

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