Horreur à huis clos

Le meurtre d’un ouvrier agricole jeté en pâture aux lions relance le débat sur les conditions de vie dans les fermes.

Publié le 23 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

« Frappée à la machette, la victime est ligotée et transportée à l’arrière d’une camionnette dans une réserve de lions blancs. Là, ses bourreaux la jettent par-dessus la clôture aux fauves. » Du haut de son perchoir, le juge Maluleke ne passe aucun détail. Il relate cette journée meurtrière du 31 janvier où Nelson Chisale, ouvrier agricole, a souffert le martyre. L’assistance, bien que révoltée, écoute religieusement l’homme de loi dans ce procès dont le verdict est tombé le 28 avril.
Dans le box, Mark Scott-Crossley, un Blanc de 37 ans, plaide non coupable. Simon Mathebula, 43 ans, l’un des trois employés noirs impliqués dans le meurtre, se demande ce qu’il fait là : « J’ai agi sous les ordres de mon patron », clame-t-il. Le deuxième, hospitalisé, n’a pu comparaître. Le troisième, Robert Mnisi, qui a passé un accord avec l’accusation suivant la procédure du plaider-coupable, vient éclairer la cour sur ce qui s’est réellement passé.
Licencié trois mois plus tôt, Nelson Chisale a voulu récupérer quelques affaires sur son ancien lieu de travail, une ferme-élevage d’animaux sauvages, alors qu’il lui avait été formellement interdit d’y remettre les pieds. Appréhendé par ses trois anciens collègues, il est passé à tabac avant l’arrivée du patron, puis transporté dans la réserve voisine de Hoedspruit, à 400 km au nord-est de Johannesburg, et jeté aux lions.
Dans l’enclos où Nelson Chisale a été livré en pâture, la police découvre un crâne, quelques os brisés et un doigt. Sa famille a signalé sa disparition le 8 février 2004 et ses trois agresseurs ont été arrêtés le lendemain. Le procès a duré plus d’un an et la cour a rendu son verdict le 28 avril dernier. Au terme d’un long exposé, le juge a désigné Scott-Crossley – qui aurait promis 10 000 rands, soit environ 1 250 euros, pour le forfait comme « le cerveau et le principal auteur » de ce crime. Il a estimé qu’il était coupable de « meurtre avec préméditation ». Simon Mathebula n’a fait, lui, « qu’obéir aux ordres », mais aurait dû les contester. Pour ne pas l’avoir fait, il est déclaré coupable, au même titre que son patron. Leurs peines seront prononcées le 10 août.
Une femme aura marqué ce procès. Venue de Pretoria, Fetsang Jafta est allée tous les jours à la cour. C’est elle qui a signalé la disparition de son oncle à la police. Six semaines de procès, des prévenus qui se renvoient la responsabilité du crime et l’audition de 23 témoins ne l’ont pas déstabilisée : « Je voulais savoir exactement ce qui s’était passé. Ils l’ont fait, c’est tout. Je ne peux pas dire que c’est du racisme », a-t-elle expliqué calmement, soulignant que, désormais, la peine lui importait peu. Mais pas à la Commission des droits de l’homme d’Afrique du Sud, qui a récemment publié un rapport condamnant la culture de la violence dans les fermes du pays. Tandis que le Cosatu, le Congrès des syndicats sud-africains, a réclamé une « campagne massive » pour améliorer la sécurité dans les fermes.

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