Continuités

Publié le 23 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

On peut évidemment se ranger parmi ses partisans ou ses adversaires. On peut contester le bilan de son règne, témoigner des difficultés du « Gabon d’en bas », des excès du « Gabon d’en haut ». Ou, au contraire, souligner ses talents de bâtisseur, d’homme de paix, de créateur en quelque sorte du Gabon moderne. Mais une chose est sûre : Omar Bongo Ondimba, président du Gabon depuis 1967, est un « sacré bonhomme » politique, qui a su se maintenir au sommet tout en préservant une société relativement ouverte. Son pouvoir, ébranlé au début des années 1990, a retrouvé toute son ampleur. Il a survécu à tous les autres, aux Mobutu et aux Houphouët. Et le voilà même devenu, depuis le décès du Togolais Gnassingbé Eyadéma, le doyen incontesté. Autoritaire, il l’a été, et il l’est encore. Mais le Gabon n’a jamais connu de dictature pure et dure. Le pays n’a pas sombré, ne s’est pas disloqué, malgré la baisse continue de ses revenus pétroliers et une crise économique qui le frappe depuis plus de dix ans. Dans une Afrique largement sinistrée, le Gabon apparaît presque comme une exception.
À la fois chef de village, chef de famille et chef d’État, arbitre des ambitions des uns et des autres, arbitre aussi des intérêts régionaux et ethniques. « OBO », comme l’on dit dorénavant à Libreville, est « consubstantiel » à cette République qui lui ressemble et qu’il a modelée. Il est au coeur d’un pouvoir qu’il a construit lui-même pendant près de quarante ans. Et il sera de toute évidence candidat à sa propre succession, en décembre prochain. Avec de fortes chances de rempiler pour un mandat de sept ans. Les Gabonais dans leur majorité s’y retrouvent. Ils veulent à la fois préserver la stabilité et la paix. Mais ils cherchent aussi à ouvrir le débat sur demain, sur l’après. La société a changé. La fatalité du déclin laisse la place, timidement, progressivement, à une envie de réforme, de changement, d’espoir. Le Gabon est un pays largement éduqué et alphabétisé. La raréfaction des ressources faciles provoque une forme de choc créatif. Les élites se regardent dans une glace, elles parlent avec une franchise nouvelle de ce qu’elles ont accompli, de là où elles ont échoué, de ce qui devrait être fait. Et le petit peuple, pourtant patient, se fatigue de se serrer la ceinture sans perspectives.
Pour la première fois depuis de longues années, le Gabon a envie de changement. Le président le sait. Il se sent encore jeune. Il a envie de jouer un rôle, il veut être l’homme clé de cette transition entre aujourd’hui et demain. Il ne veut pas partir au terme d’une longue période d’austérité et de repli. Il veut être celui qui redonne espoir et qui remet de l’ordre dans la maison. Mais il ne veut pas être celui qui reste le moment de trop. C’est la quadrature du cercle des hommes de pouvoir. Omar Bongo Ondimba sait qu’il a une responsabilité à assumer. Et que sa place dans l’Histoire dépendra aussi, dans les années qui viennent, de la manière dont il transmettra sa charge et assurera une transition pacifique.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires