Chanteur engagé

Après plus de trente ans de carrière, Pierre Akendengué revient avec un nouvel album. L’occasion pour ce vétéran de la chanson gabonaise de prouver à son public qu’il n’a rien perdu de son mordant.

Publié le 24 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

C’est un vétéran de la scène gabonaise. Mais à chaque fois qu’Akendengué remonte sur les planches, le public est au rendez-vous. Il l’a prouvé une fois de plus à Paris, le 4 avril dernier, lors d’un concert au Bataclan. Une prestation au cours de laquelle l’artiste a notamment présenté son dernier album, Ekunda-Sah !*, sorti quelques jours plus tôt.
Égal à lui-même, le poète y livre une nouvelle moisson d’images, transportant son public au coeur de la forêt équatoriale. Ekunda, ode polyphonique à la gloire de la nature et des civilisations africaines, nous conduit jusqu’au village de Nandipo, séparé de la mer par un mince lido de sable, bercé par le battement des percussions traditionnelles. Une force évocatrice qui n’est pas sans rappeler la Lambarena, première rencontre artistique réussie entre la musique classique européenne et les rythmes traditionnels africains. C’était en 1993. Point de départ du projet, les 80 ans de la fondation de l’hôpital de Lambaréné par le docteur Schweitzer, qui ne quittait plus le Gabon que pour donner des récitals d’orgue en Europe et en Amérique. Une manière de recueillir des fonds au profit de son oeuvre humanitaire. Albert Schweitzer adorait Bach, mais ne connaissait rien aux musiques de ceux qu’il soignait. Le projet Lambarena proposait la rencontre imaginaire posthume de ces deux univers musicaux. Et c’est à Pierre Akendengué que le compositeur Hughes de Courson confia alors la charge de dialoguer avec le théoricien du Clavecin bien tempéré.
Grâce à cette expérience, il va auditionner près de 150 ensembles traditionnels dans sa maison de Libreville. Du même coup, il constitue la première banque de données de musiques traditionnelles du Gabon. Au final, l’alchimie se produit. Éloge de la critique et succès commercial sont au rendez-vous. L’aventure se solde par la vente de 80 000 albums. Et le gamin d’Awuta devient une célébrité.
Né le 25 avril 1943, Pierre Akendengué est un élève brillant et montre de bonnes dispositions pour la chanson dès l’adolescence. Parti pour la France à 22 ans, pour soigner ses yeux malades, il y entreprend une formation de kinésithérapeute et un cursus en psychologie, respectivement couronnés par un diplôme et un doctorat. En 1967, Pierre Akendengué figure parmi les lauréats du Petit Conservatoire de Mireille, véritable vivier de chanteurs à succès.
Simultanément, il se trouve au coeur du mouvement étudiant et milite pour une africanité nouvelle. En 1972, il décide de se consacrer entièrement à la chanson et grave un premier 45 tours, Le Chant du coupeur d’okoumé, suivi de l’album Nandipo, sorti en 1974. Avec des paroles qui prônent l’unité africaine et la liberté pour les opprimés, Akendengué obtient malgré lui le label de « chanteur engagé » africain. Interdites sur les ondes de la radio gabonaise, ses chansons, qui circulent sous le manteau à Libreville, ont un impact important en France et en Afrique francophone. De Bobino au Casino de Paris, Akendengué gagne en notoriété.
Son deuxième album, Africa Obota (« Mère Afrique »), reçoit le Prix de la jeune chanson française au Midem 1976. À partir de là, il travaille à l’élaboration de nouvelles sonorités où se superposent traditions africaines et structures musicales européennes. L’album Mando, entièrement chanté dans sa langue, le myéné, constitue à ce titre une étape importante de son travail.
Mais l’intellectuel militant perd ses repères en France. En 1985, il décide de rentrer au pays. Après le confort de ses années parisiennes, il constate qu’il lui est impossible de vivre de son art au Gabon. Il accepte alors un poste de conseiller culturel que lui proposent les autorités. Face à ceux qui l’accusent de trahison, le chanteur réplique qu’il est resté fidèle à lui-même. D’ailleurs, son militantisme s’exprime toujours dans les chansons de son dernier opus, par lesquelles il dénonce le fossé qui sépare plus que jamais les pauvres des riches dans son propre pays et la malédiction de la dette qui pèse sur les pays du Tiers Monde.
Après plus de trente ans de carrière, le chanteur n’a plus le même succès qu’autrefois. Mais, aux yeux des musiciens francophones, Akendengué reste un précurseur. Présenté comme l’un des pionniers de la musique africaine contemporaine, il a ouvert le chemin. Youssou Ndour, Alpha Blondy et Papa Wemba n’ont fait que lui emboîter le pas.

*Ekunda-Sah ! (Taxi Records).

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