La Sunday d’Abidjan : un petit Woodstock qui deviendra grand ?
Depuis décembre 2018, le collectif Bain de Foule organise presque chaque dimanche une soirée qui secoue la capitale ivoirienne. La dernière de la saison, avant la reprise en septembre prochain, s’est déroulée ce dimanche 4 août.
Tout a commencé en décembre 2018, sur trois places de parking devant le Dozo – concept-store dédié à la création africaine – situé sur l’Avenue Boga Doudou, à Cocody. Une cinquantaine de créatifs – stylistes, designers, photographes, mannequins, influenceurs – sont alors réunis, un dimanche soir, pour danser sur la musique jouée par les DJs Jeune Lio et Black Charles.
Ces deux derniers forment avec Aziz Doumbia (propriétaire du Dozo), Aurore Aoussi (fondatrice d’Apéro Abidjan) et Fayçal Lazraq (à la tête des restaurants Fé Ta Crêpe et d’une salle de sports à Grand-Bassam), le collectif Bain de Foule. Une équipe d’entrepreneurs trentenaires qui est à l’initiative de cette soirée dominicale itinérante. Aujourd’hui, elle est devenue La Sunday, une fête sur laquelle, une fois à Abidjan, il est difficile de faire l’impasse.
Le dimanche à Abidjan
La dernière édition, le dimanche 4 août, a réuni plus de 6 500 personnes sur le terrain vague mitoyen à l’hôtel Laguna Beach d’Abidjan – contre 3 500, le 28 juillet dernier, à la Fondation Donwahi où, très souvent, de 15h à 22h, les organisateurs prennent leurs quartiers. La soirée a également eu lieu, à trois reprises, sur le court de tennis du Club House Le Vallon.
« Au départ, l’idée était tout simplement de se réunir, avec nos amis, pour chiller sur de la bonne musique le dimanche. C’est un jour où il n’y a vraiment rien à faire à Abidjan », raconte Aziz Doumbia. « C’est un simple délire entre potes, devenu un rendez-vous pour l’ensemble des Abidjanais, mais aussi pour les Africains de la sous-région, de la diaspora et les expats. »
Une soirée alternative
Aussi, le collectif Bain de Foule a réussi l’exploit de proposer une véritable alternative à tout ce qui a trait à la vie nocturne abidjanaise, des simples maquis aux boîtes de nuit moyennant bouteille de champagne : des entrées peu chers (3 000 FCFA en prévente et 5 000 FCFA sur place), de la musique recherchée, des bières vendus en échange de jetons, des activités comme des jeux de société, et surtout, le rassemblement de toute une communauté connectée assurant un melting-pot que l’on a rarement vu dans la capitale ivoirienne.
« Lorsque l’on a commencé à parler du concept, je voyais la Sunday organisée au cours du crépuscule avec un ciel rose poudré », se souvient Aurore Aoussi. « Il y a eu, très vite, un véritable engouement. Dans l’après-midi, on a vu des familles commencer à venir avec leurs enfants. On a réussi à organiser tout cela en mettant l’accent sur le respect des autres et l’idée de safe place.»
Plus de 14 000 abonnés sur Instagram
C’est que face à la foule, le collectif s’est arrogé les services de forces de l’ordre ou d’équipes de premiers secours afin d’assurer la sécurité de l’événement. « Les bénéfices que nous touchons à chaque soirée nous permettent de proposer de nouveaux concepts, comme l’édition spéciale carnaval avec DJ Djahman originaire de la Guadeloupe, pour laquelle on a fait appel à des maquilleuses ; ou alors d’investir dans du matériel comme des brumiventilateurs et des projecteurs. Aujourd’hui, nous avons une communauté qui sait qu’elle peut nous faire confiance. »
Pour mesurer l’étendue de cette communauté, il suffit de se tourner vers les réseaux sociaux. La Sunday est suivie, sur Instagram, par plus de 15 500 personnes. « En six mois, nous sommes passés de 0 à 5000 abonnés. Et à la fin de chaque Sunday, nous gagnons 1 000 abonnés supplémentaires. On comptabilise aussi 19 000 impressions et 10 000 visites dans la semaine qui suit », précise Aurore Aoussi. Quant à leurs stories, elles sont vues par 900 à 13 000 personnes.
Esprit hippie
« Quand des personnalités très influentes sur les réseaux sociaux viennent, cela nous apporte, forcément, encore plus de visibilité ». Parmi eux, le chanteur DJ Arafat, la créatrice Loza Malehombo, la styliste Maureen Ayité (Nanawax), l’influenceuse sénégalaise Amy Tall, le mannequin Awa Sanoko, la rappeuse ivoirienne Andy S, le chanteur ivoirien Molare, Didy B, membre du groupe Kiff No Beat, etc.
C’est comme un mini-festival où chacun vient comme il a envie d’être. Tous les styles sont admis
« Au début, les gens se demandaient comment assister à la Sunday. Ils ne se rendaient pas compte que c’est une soirée destinée à tout le monde, que ce n’est pas un cercle fermé. C’est comme un mini-festival où chacun vient comme il a envie d’être. Tous les styles sont admis », clame Faiçal Lazraq.
Nous ne voulons pas que la Sunday devienne un événement marketing
Tant et si bien que l’on décrit la Sunday comme une soirée hippie, voire un mini-Woodstock. Et Aziz Doumbia de narrer : « Un jour, une de mes cousines m’a demandé si les gens normaux pouvaient venir. J’ai éclaté de rire ! » L’équipe, qui n’a pas souhaité communiquer sur l’aspect financier des événements qu’elle organise, affirme refuser tout type de sponsoring. « Nous ne voulons pas que la Sunday devienne un événement marketing. »
De Boddhi Satva à Awesome Tapes from Africa
Forte de son concept à la fois hype et cheap, plutôt tendance par les temps qui courent, la Sunday est devenue un évènement dont on parle tant à Dakar qu’à Bamako ou même à Paris où, récemment, s’est produite une DJette du nom d’Asna, estampillée « DJette de la Sunday » – de par sa récente intégration à l’équipe.
Nous sommes moins éclectique qu’au début car nous misons sur une carte beaucoup plus afro
Mais il faut aussi y voir le rôle joué par la musique proposée par les DJs. « Nous sommes moins éclectique qu’au début car nous misons sur une carte beaucoup plus afro. On joue plus de coupé-décalé et de classiques du zouglou. Car il faut aussi mettre en avant la scène musicale de notre pays », explique Black Charles, DJ plutôt porté sur la musique brésilienne, le reggaeton, la dance-hall ou le kuduro quand son acolyte, Jeune Lio, est plutôt du type hip-hop et musique naija, entre autres choses.
Et ils invitent, parfois, leurs pairs à venir mixer. Le 26 mai 2019, c’est à l’entrepôt de la galerie Amani, en Zone 4, que se sont rendus le Londonien Bradley Zero, le DJ ivoirien et basé en Belgique African Diplomat, l’ivoirien DJ Lekkeh (Aristide Loua de son vrai nom et créateur de la marque Kente Gentleman) ou le New-yorkais Brian Schimkovitz, fondateur du fameux label Awesome Tapes From Africa.
La manifestation a d’ailleurs été diffusée sur The Lot Radio, média new-yorkais basé à Brooklyn. Le DJ centrafricain Boddhi Satva ou le rappeur belge Badi comptent également parmi les faiseurs d’ambiance qu’a connu la Sunday. Il se murmure, par ailleurs, que la soirée dominicale – qui fait désormais office de porte d’entrée sur Abidjan – a d’ores et déjà attiré l’attention des équipes du festival Afropunk…
Au cœur de la Fondation Donwahi
C’est en avril 2019 que Bain de Foule s’est muée en entreprise. Prochainement, elle sera à la tête d’un espace lounge « un peu loufoque avec performances artistiques à la clé » au sein de la Fondation Donwahi.
« C’est un des axes de travail de la fondation depuis le début. En douze ans, nous avons toujours soutenu des actions initiées par les jeunes. Et ce, un peu comme si nous étions une sorte d’incubateur. Au sein du collectif Bain de Foule, ils sont créatifs et téméraires. Et force est de constater que nous sommes sur la même longueur d’onde », avance Illa Ginette Donwahi, présidente et directrice exécutive de la fondation. « Que les gens puissent venir se poser en dehors des expositions et rencontrer des gens qu’ils ne rencontreront pas ailleurs, c’est tout le sens de ce projet. »
Après la Sunday de ce 4 août, le collectif Bain de Foule va s’octroyer une pause d’un mois pour mieux revenir à la rentrée de septembre. Et ce, porté par la même promesse : « La Sunday rime avec confort, sécurité, musique, liberté et bien-être ».
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