Au commencement était le brut

Le gouvernement veut profiter de l’envolée des cours du pétrole pour assainir ses finances et accélérer la diversification des activités.

Publié le 23 mai 2005 Lecture : 4 minutes.

A n’en pas douter, la flambée des cours du pétrole a été une aubaine pour le Gabon. Volontairement prudent, le gouvernement avait misé pour 2004 sur un baril à 28 dollars. Le prix moyen a finalement atteint 39,20 dollars, alors que dans le même temps les compagnies ont réussi à enrayer une baisse de production de 30 % depuis 1997, pour finalement atteindre 13,6 millions de tonnes. Grâce à des techniques de forage plus efficaces et plus performantes, grâce aussi à l’exploitation optimisée de petits ou de vieux gisements, les deux géants qui se disputent le leadership des eaux gabonaises, Total et Shell, ont annoncé des résultats en hausse. Lorsque l’on sait que le pétrole représente 80 % des revenus à l’exportation et au moins 40 % du Produit intérieur brut (PIB), cette conjoncture très favorable a été une bouffée d’oxygène avec, à la clé, une véritable « cagnotte », selon un économiste en poste à Libreville. Les recettes fiscales, exceptionnelles, sont évaluées à 145 milliards de F CFA et, sur « recommandation insistante » du Fonds monétaire international (FMI), ce pactole a été presque entièrement affecté à l’assainissement des finances publiques. Ainsi, 67,3 milliards de F CFA ont été versés sur un « fonds des générations futures » créé en 1998 pour préparer l’après-pétrole. Cette cagnotte a aussi permis de réduire la dette publique extérieure – chiffrée à 1 913 milliards de F CFA -, la faisant passer de 56 % à 50 % du PIB. Quant au Club de Paris, il a accepté de rééchelonner sur quatorze ans le remboursement de 50 % de ses créances. Cette facilité de paiement n’a été possible que dans le cadre des discussions avec les institutions de Bretton Woods.
Après deux années de négociations, les efforts du Gabon en termes d’ajustements structurels et de règlement de la dette se sont en effet traduits par l’obtention, en mai 2004, d’un « accord de confirmation » avec le FMI de quatorze mois, permettant à Libreville d’emprunter jusqu’à 104 millions de dollars. « La mise en oeuvre du programme est satisfaisante », estime Anne Krueger, la directrice adjointe du FMI, et le président Omar Bongo Ondimba ajoute qu’un nouvel accord sera conclu avant la fin de l’année. En contrepartie, l’État gabonais a dû apprendre à se serrer la ceinture tout en accélérant les réformes.
Le premier chantier concerne les privatisations. Depuis son lancement en 1995, vingt-cinq sociétés ont été privatisées. Parmi les plus importantes figurent notamment la SEEG (Société d’énergie et d’eau du Gabon), vendue au groupe français Veolia, la Sosuho (Société sucrière du Haut-Ogooué), les Ciments du Gabon, la CFG (Compagnie forestière du Gabon), Agrogabon et Hevegab (agro-industrie). En 2004, les cessions d’actifs ont rapporté à l’État 32,2 milliards de F CFA, mais les coûts de restructurations (plans sociaux) et les remboursements de dettes se sont élevés à près de 24 milliards. Cette année, les principaux dossiers sont particulièrement sensibles. Ils concernent Air Gabon, la compagnie ferroviaire Transgabonais et Gabon Télécom ainsi que sa filiale Libertis. Initialement, le gouvernement gabonais avait choisi d’ouvrir seulement 35 % du capital du groupe de télécommunication avant de changer de stratégie et de proposer 50 % au repreneur intéressé. Son nom doit être connu dans quelques mois, mais le plan social annoncé prévoit 450 suppressions de postes.
La deuxième priorité touche à la diversification de l’économie, car les réserves pétrolières ne seront pas éternelles. « Il est devenu impérieux de trouver d’autres débouchés et de développer le secteur privé pour sortir de l’économie de rente », estime Ambroise Ngoye Mbongo, représentant personnel du président de la République chargé des Relations commerciales. Dans le secteur des mines (7 % du PIB), l’accent est mis sur le manganèse et le fer alors que les appétits chinois constituent en la matière une réelle opportunité. Si les forêts s’étendent sur l’immense majorité du territoire, la filière bois ne représente que 3 % des richesses nationales. C’est notoirement insuffisant. Après avoir misé sur la certification des grumes et l’aménagement durable des concessions, les autorités incitent les forestiers à s’engager sur la voie de l’industrialisation et de la transformation, mais ces derniers dénoncent « une fiscalité trop lourde qui empêche les investissements ». Pour optimiser les revenus à l’exportation et renforcer la compétitivité de cette filière, le gouvernement a par ailleurs levé le monopole de l’État sur la commercialisation de l’okoumé et de l’ozigo à compter du 1er janvier 2006. Cette décision semble n’être qu’une première étape de la restructuration de la Société nationale des bois du Gabon (SNBG). Ambroise Ngoye Mbongo évoque aussi d’autres projets et d’autres investissements, comme une raffinerie de sel et une usine de transformation de poissons : « L’objectif est de créer de l’emploi et de lutter contre le chômage », conclut le conseiller.
Le troisième volet porte sur la réforme de l’État avec un leitmotiv répété à l’envi : « réduire le train de vie et dégager des ressources pour les dépenses sociales ». Dans un pays classé par l’ONU au 122e rang sur 177 au palmarès du développement humain, dans un pays où 60 % de la population vit avec moins de 1 dollar par jour, les besoins sont nombreux. Encore faut-il les financer. Pour limiter les gaspillages, une direction générale des achats publics qui contrôlera tous les contrats d’un certain montant a été créée. « Il était temps, admet un fournisseur, car, pour l’instant, nos marges sont très élevées et les ministères peu regardants sur le montant des factures. » Quant à la lutte contre la pauvreté, elle fera l’objet d’un document de stratégie qui doit être achevé cette année.

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