Maroc : beaucoup d’investissements mais trop peu de croissance et d’emplois, selon la Banque mondiale
L’importance des investissements au Maroc ne se traduit pas en croissance et en création d’emplois, selon la Banque mondiale, qui pousse à réviser le modèle de développement afin d’accorder davantage d’importance au secteur privé.
Si le Maroc bénéficie d’un taux d’investissement parmi les plus élevés au monde avec une moyenne de 34 % du PIB par an depuis le milieu des années 2000, les retombées en termes de croissance économique, de création d’emplois et de productivité sont décevantes, d’après une récente étude de la Banque mondiale.
Le pays, reconnaissent les analystes, s’est hissé à la 60e place du classement Doing Business (établi par l’institution de Bretton Woods, il évalue la qualité de l’environnement des affaires). Une belle progression pour le royaume, qui il y a dix ans, pointait au 129e rang de ce même index.
Le royaume a également mis en place des politiques pour améliorer son attractivité, et graduellement enrichi son économie de nouveaux secteurs comme l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique ou encore l’électronique, souligne l’étude. D’autres États, comme la Colombie, les Philippines et la Turquie, font cependant mieux en matière de croissance, malgré des niveaux d’investissement nettement inférieurs.
« Les pays qui ont réussi à décoller économiquement sont parvenus à maintenir des taux annuels de croissance du PIB par habitant bien au-delà de 4 % pendant des décennies », lit-on sur ce document de 154 pages intitulé « Créer des marchés au Maroc (…) Diagnostic du secteur privé ». Dans le royaume chérifien, ce taux n’a pas dépassé 2,9 % entre 2000 et 2017, soit un peu mieux que la moyenne de 1,6 % enregistrée entre 1990 et 2000.
Trop peu de création d’emplois
Pire encore : en terme de création d’emplois, ces investissements colossaux n’arrivent pas à absorber le chômage, l’un des plus gros problèmes du pays. « Seuls 17 % de la population en âge de travailler a un emploi formel, et moins de 10 % dans le secteur privé », rappelle la Banque mondiale.
Entre 2012 et 2016, la population en âge de travailler a augmenté en moyenne de 270 000 personnes par an, alors que l’économie dans sa globalité n’a pu créer que 26 400 nouveaux emplois nets par an.
Le secteur public est le premier investisseur du pays via les différentes entreprises publiques, avec plus de 50 % des investissements
Les analystes de la Banque mondiale ont aussi décortiqué la composition des investissements et notent que le secteur public est le premier investisseur du pays via les différentes entreprises publiques, avec plus de 50 % des investissements.
« Ces investissements ont en partie été coûteux, avec un rapport qualité-prix discutable. Alors qu’un grand nombre d’investissements ont été réalisés dans les infrastructures, dont les effets sociaux et économiques ne peuvent être pleinement observés qu’à long terme, les projets sélectionnés pour un financement public ne tiennent parfois pas suffisamment compte des problèmes d’efficacité et peuvent ne pas optimiser l’impact sur la productivité et la création d’emplois », note l’étude.
Un environnement peu favorable au privé
Au Maroc, la croissance économique est principalement tirée par des entreprises établies, souvent bien connectées, et non par de jeunes entreprises, contrairement à ce qui se passe dans des pays plus développés. Les PME marocaines ne bénéficient pas d’un environnement favorable avec une concurrence équitable, de ressources humaines bien formées et un accès convenable au financement.
« Hormis les entreprises créées dans des zones franches au travers d’investissements directs étrangers (IDE), dans l’ensemble, les jeunes entreprises n’ont pas réussi à concurrencer celles établies ou à créer de l’emploi dans des proportions importantes », développe la Banque mondiale, qui regrette dans son rapport le manque d’informations concernant les entreprises.
L’institution basée à Washington rappelle la nécessité d’une refonte du modèle de développement du pays. « L’existant basé sur une croissance dépendante du taux très élevé d’accumulation de capital public fixe n’est pas soutenable. Le Maroc ne peut pas uniquement compter sur l’accumulation de capital pour rattraper les pays à revenu plus élevé, car cela nécessiterait des investissements toujours plus importants, mettant en péril sa stabilité macroéconomique », préviennent les rédacteurs du rapport.
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