Résultats au baccalauréat 2019 en Guinée : les raisons d’un fiasco
Avec un taux de réussite au Bac de seulement 24,38 %, la Guinée fait pire qu’en 2018, année qui détenait jusque-là le pire record de l’histoire du pays. Entre grèves à répétition, déclin du secteur public et délaissement de la filière professionnelle, retour sur un échec collectif.
L’examen du baccalauréat vient de battre en Guinée un triste record. Lundi 5 août, Abdoulaye Diarouga Diallo, le directeur national de l’enseignement secondaire, a annoncé officiellement, face à la caméra, les résultats du bac, cuvée 2019. Cette année encore, avec un taux de réussite de seulement 24,38 % – soit un taux d’échec de 75,62 % -, les élèves de terminale n’ont pas été au rendez-vous. Ce résultat est en effet le pire que le pays ait jamais enregistré.
Sur les 90 050 candidats qui s’étaient présentés à l’examen, seuls 21 959 pourront espérer intégrer une université à la rentrée, tandis que, parmi les 67 093 candidats malheureux, nombreux sont ceux qui doivent d’ores et déjà envisager leur avenir sans le précieux diplôme. Le système éducatif guinéen ne prévoyant pas de session de rattrapage, peu de possibilités s’offrent à eux : retenter leur chance l’année prochaine, dans des classes déjà surchargées, opter pour l’enseignement technique et professionnel, ou intégrer la vie active.
De grandes disparités
Avec un taux de réussite de 24,74 % cette année, la filière sciences sociales, l’une des plus convoitées (41 456 candidats), tire son épingle du jeu en enregistrant une hausse par rapport à 2018 (15,70 %). A contrario, la série mathématiques, qui s’était démarquée en 2018, est aujourd’hui en chute libre. Les 39,40 % enregistrés lors de la session précédente ont fondu comme neige au soleil (24,21 %).
Les chiffres livrés par l’Éducation nationale témoignent d’une croissance importante du nombre de candidats ayant concouru cette année, gonflé notamment par les recalés de 2018. Ils confortent également l’écart manifeste entre le privé et le public. L’institut Sainte-Marie, où le taux de réussite a été de 58,02 % pour le lycée de Ratoma et de 69,95 % dans la commune de Dixinn, contraste avec le lycée public de Yimbaya. Dans cet établissement où les classes sont surchargées – « pas moins de 200 élèves par classe », confie son proviseur, Mamoudou Sangaré -, le taux de réussite n’a été que de 10 %.
Dans la région région administrative de Mamou, où des professeurs bénévoles issus du collectif « 224 Objectif Bac » ont dispensé des cours particuliers en juin afin de réduire les disparités régionales, la déception est évidente. Sur 1 895 candidats évalués, seuls 302 ont été admis, soit un taux de réussite de 15,93 %.
Il faut reconnaître que ces résultats interpellent tout le monde
Cette année encore, la « grève » des syndicats est l’argument avancé par les autorités pour trouver une explication à cet échec collectif. « L’année a été perturbée dès le départ. Plus de trois mois de cours à rattraper, c’est beaucoup ! La qualité baisse, tout comme le courage des lycéens, et les parents finissent par se lasser. Mais bien que nous ayons bouclé les programmes et revu le calendrier des examens, il faut reconnaître que ces résultats interpellent tout le monde : autorités éducatives à tous les niveaux, enseignants, parents d’élèves et même nos partenaires syndicalistes », explique à Jeune Afrique Abdoulaye Diarouga Diallo.
De son côté, le secrétaire général du Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG), Aboubacar Soumah, réserve ses explications pour plus tard : « Nous avons projeté une réunion dans les jours à venir pour faire une analyse des résultats. Ce n’est qu’ensuite que je pourrai me prononcer. »
Gérard Diouf, le directeur de l’institut privé Sainte-Marie, estime, lui, que les autorités devraient traiter le problème à la racine : « En Guinée, je considère que l’on ne se soucie pas assez de l’éducation et que ce système doit être réformé en profondeur. Nous devons regarder ce qui se passe ailleurs et prendre exemple sur ce qui fonctionne, notamment chez nos voisins. Par exemple, c’est une absurdité de ne pas prévoir de session de rattrapage. »
Il pointe en outre le manque de valorisation de la filière professionnelle. « Nombreux sont les élèves qui n’ont ni les aptitudes ni l’envie de suivre une filière générale. Mais en raison de la pression sociale et de l’absence de politique en faveur de la section professionnelle, ils sont poussés à se lancer sans conviction dans un bac général où eux-même devinent qu’ils échoueront. »
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