Printemps libanais

Moins d’un an après l’agression israélienne, écrivains, musiciens, cinéastes affirment que la culture est l’unique espoir qui reste à la jeunesse de ce pays.

Publié le 23 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Soudain, l’été dernier, la guerre a frappé le Liban. L’offensive éclair israélienne a ravagé une partie du pays. Ravivant de façon douloureuse les spectres de la guerre civile, elle a réduit en poussière les rêves et les aspirations d’un peuple qui commençait à revivre. Quelques mois plus tard sortent en librairie plusieurs ouvrages qui évoquent cet été meurtrier. Et qui montrent à quel point la création artistique libanaise est sortie presque vivifiée de cette épreuve. C’est le paradoxe libanais, diront certains…
La revue La Pensée de midi a consacré son numéro de mars à Beyrouth. On passe de l’intimité d’un salon de beauté, avec un monologue plein de tendresse et d’humour écrit par la réalisatrice, scénariste et actrice Darina Al Joundi, à un panorama de l’art contemporain, avec notamment ces « vidéos produites de façon individuelle ou collective pendant ce mois explosif », dans lesquelles les artistes racontent « leur » guerre. La revue permet de mesurer à quel point, même sous les bombes, le bouillonnement et l’effervescence culturels subsistent. « Quelques jours après le cessez-le-feu, j’avais des nouvelles de Beyrouth : Cela se reconstruit tellement vite que nous avons oublié la guerre. Là est le Sisyphe libanais. En dépit du désastre, tout redevenait possible », indique dans la préface l’écrivain algérien Mohamed Kacimi, coordinateur du dossier.
Ainsi, Mazen Kerbaj, jeune musicien et chantre de la musique « improvisée » (sorte de free jazz qui « s’attache à reproduire et à travailler les sons qui font de Beyrouth ce qu’il est »), « a enregistré de son balcon le bruit des bombes et des avions de guerre israéliens survolant Beyrouth, avec sa trompette en fond. L’avant-garde portée en temps de guerre imagine de nouvelles façons de réfléchir au bruit », écrit Carole Corm, journaliste au Elle oriental.
Quant au réalisateur Philippe Aractingi, qui a connu un des plus beaux succès cinématographiques de l’année 2006 avec le très réjouissant Bosta (« L’Autobus »), il a déjà commencé à tourner son prochain film sous les bombes…« Guerre et Liban vont de pair », remarque le producteur de cinéma Wadih Safiedine. « Triste mais fructueuse réalité, car l’absurde guerre civile qui a ravagé le Liban de 1975 à 1990 a aussi nourri la création artistique », rappelle-t-il. Pour Mohamed Kacimi, « Beyrouth n’a pas d’équivalent, à part peut-être le Maroc. Loin du glacis qui règne à Alger, Tunis ou Amman, c’est une exception culturelle qui relève du miracle fragile. Après l’offensive israélienne, les Beyrouthins ont très vite tourné la page de la guerre. Il y a une sorte d’accoutumance, d’habitude. » C’est pour cela, sans doute, que la vie nocturne a repris ses droits juste après le cessez-le-feu. Hala Moughanie raconte le Beyrouth by night, ses « déambulations jusqu’à l’ivresse, pour se perdre et se retrouver ». « Malgré les cicatrices, la guerre est loin. » Car être en vie c’est déjà prendre sa revanche, explique la jeune femme.
C’est aussi pour cela qu’on peut rire de tout. Même de la mort. Le journaliste Omar Boustany raconte avec un humour décapant l’histoire de la place des Martyrs, en plein cur de la capitale. Florilège : « Mourir pour des idées, on a déjà donné. Et rien reçu. » « Être libanais, c’est un métier à temps plein. » « Décidément, on ne choisit pas ses voisins. Surtout pas au Liban. On les subit. » Avec tous ces témoignages, pas le temps ni l’envie d’avoir le Beyrouth blues. Et comme nous l’explique Mohamed Kacimi, « la culture est l’ultime espace qui reste aux jeunes Libanais ». « Le champ politique est clos, verrouillé par une génération de clans, de familles. Les jeunes s’engouffrent donc dans le champ culturel. La culture devient le maquis de la société libanaise d’aujourd’hui. »

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