First Quantum, zambien mais pas trop
Alors qu’il tire les deux tiers de ses bénéfices de l’État d’Afrique australe, le producteur de cuivre canadien chasse sur d’autres terres africaines. La raison ? Des relations tendues avec Lusaka.
« En 2018, nous serons parmi les cinq premiers producteurs de cuivre de la planète ! » À Londres, où Jeune Afrique l’a rencontré fin juin, Clive Newall, directeur général de First Quantum, affichait crânement ses ambitions. Avec une capacité annuelle de production de 450 000 tonnes, la compagnie minière canadienne se classe au huitième rang mondial de la filière du minerai rouge.
Pour atteindre ce niveau, le groupe coté à Toronto et à Londres a parié sur la Zambie dès ses débuts, en 1996. Et 70 % de ses bénéfices (près de 823 millions d’euros) en 2013 provenaient de son gisement de Kansanshi, dans la ceinture de cuivre. « Une extension de l’exploitation de la mine est prévue au second semestre de cette année, avec la construction de deux fonderies. Elle nous permettra d’augmenter notre production de 360 000 tonnes », explique Clive Newall, qui a fondé l’entreprise avec son compatriote britannique Philip Pascall, président du conseil d’administration.
Les relations tendues avec le gouvernement du président Michael Sata restent tendues.
Fragile
Si le choix de la Zambie porte ses fruits et permet à First Quantum d’augmenter sa production et ses bénéfices, ses relations tendues avec le gouvernement rendent cette réussite fragile. Élu en septembre 2011, le président Michael Chilufya Sata se montre peu amène à l’égard des miniers, accusés d’évasion fiscale et de profits abusifs.
« La réglementation ne cesse de changer, le niveau des royalties est passé de 3 % à 6 % des bénéfices. En outre, malgré notre investissement dans les fonderies qui augmenteront la valeur ajoutée locale, le gouvernement impose une taxe sur les exportations de 10 %, y compris sur le produit transformé », s’insurge Newall.
First Quantum s’est d’ailleurs engagé dans un bras de fer avec les autorités fiscales. Son but : se voir restituer 150 millions de dollars de TVA. Mais pour ce faire, le groupe doit fournir les certificats d’exportation permettant de connaître la destination finale des minerais extraits de Kansanshi. Une obligation à laquelle First Quantum estime impossible de se conformer, puisqu’il vend sa production à des sociétés de négoce.
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Rétorsion
Par mesure de rétorsion, le groupe a indiqué, le 24 juin, qu’il pourrait étaler dans le temps les investissements qu’il lui reste à réaliser dans le pays (pour plus de 1 milliard de dollars)… jusqu’à ce que ce différend s’aplanisse. En 2012, le canadien avait annoncé des investissements de 3,7 milliards de dollars dans le pays d’Afrique australe.
Désormais, Clive Newall cherche d’autres relais de croissance ailleurs. L’Amérique latine, l’autre continent du cuivre, intéresse First Quantum. En 2017, il va lancer l’exploitation de sa mine de Cobre au Panamá. Il vise une production de 90 000 tonnes par an.
Toujours fâché avec Kinshasa
First Quantum s’est bien tiré du guêpier katangais. Le canadien s’était fait exproprier en 2009 de ses gisements de Kolwezi, en RD Congo, par les autorités.
Celles-ci affirmaient qu’il n’avait pas suffisamment fait avancer l’exploitation. Elles les avaient ensuite revendus avec l’aide de Dan Gertler, proche du président congolais Joseph Kabila, au groupe controversé Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC). First Quantum estimait avoir investi 600 millions de dollars (453,9 millions d’euros).
Au terme d’un long conflit judiciaire, le groupe a obtenu en 2012 une indemnisation à l’amiable de 1,25 milliard de dollars, versés par le repreneur ENRC.
« Pour First Quantum, il n’est pas question de retourner à Kinshasa tant que Joseph Kabila est au pouvoir », estime un avocat proche du groupe minier.
« En RD Congo, nous avons investi nos fonds propres, nos banquiers étaient terrifiés. Aujourd’hui, nous n’avons plus confiance, nous ne voulons plus prendre des risques aussi importants », explique Newall.
Mais l’Afrique subsaharienne reste la cible de prédilection du groupe. « Sur le continent, il y a des risques, notamment politiques, mais nous avons appris à nous en accommoder. En matière de coûts d’exploitation dans les métaux de base, le sud du Sahara peut s’avérer très compétitif. À titre d’exemple, chaque tonne de cuivre extraite à Kansanshi nous coûte 7 000 dollars, contre parfois plus de 20 000 dollars dans des zones reculées du Pérou », souligne le cofondateur de First Quantum.
Exproprié
Le groupe cherche donc des opportunités africaines. Mais n’est pas encore prêt à revenir dans la partie congolaise (RD Congo) de la ceinture de cuivre, où il s’était fait exproprier de ses permis miniers par Kinshasa en 2009.
Quant à la Mauritanie, où il exploite la mine de cuivre de Gueilb Moghrein (36 000 tonnes produites par an) depuis 2006, les perspectives n’y sont pas enthousiasmantes. « Nous n’avons pas été chanceux dans ce pays. L’exploration sur des terrains sableux est beaucoup plus complexe et coûteuse », indique Clive Newall.
Sur le continent, d’autres filières minières attirent First Quantum. « Nous produisons déjà 15 000 tonnes de nickel et 10 000 tonnes de zinc, deux domaines dans lesquels nous souhaitons étoffer notre portefeuille, notamment en Afrique de l’Ouest », explique Clive Newall. Il indique ainsi s’être rendu récemment au Mali pour étudier les opportunités offertes par ces métaux de base.
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