Sénégal : la Senelec veut rassurer sur son état financier et les délestages
Alors qu’un syndicat a alerté sur ses craintes de délestages, Pape Demba Bitèye, le directeur général de la Senelec, assure que la situation est sous contrôle et ne menace pas la fourniture d’électricité.
« L’état comptable et financier de la Senelec est stable, il n’y a aucun risque de délestage »: tel est le message martelé le 5 août à Dakar, devant les journalistes, par Pape Demba Bitèye, directeur général de la compagnie nationale d’électricité, nommé en avril dernier.
Une volonté de rassurer, alors que des dirigeants du Syndicat des travailleurs de l’électricité ont fait état d’une dette de 247 milliards de F CFA (377 millions d’euros) de l’État vis-à-vis de la Senelec, son principal actionnaire. Au sein de l’entreprise publique, un cadre affirme même que cette dette est supérieure au montant indiqué par le syndicat. « C’est énorme, c’est presque le chiffre d’affaires annuel de la Senelec », s’alarment les syndicalistes, qui craignent des délestages importants à venir.
Cherchant à éviter les risques de délestage, l’État a d’emblée avancé 35 milliards de F CFA à l’entreprise, avant que Pape Demba Bitèye ne tienne une conférence de presse lundi 5 juin, pour tenter d’éteindre la polémique. Les délestages notés ces derniers jours s’expliquant surtout, selon lui, par un pic de consommation en cette période de chaleur. « Le Sénégal n’étant pas un pays très industrialisé, la demande varie tout au long de l’année. C’est ainsi qu’entre novembre et avril, la demande est faible, par contre, elle est très élevée entre juillet et octobre », ajoute Abdoulaye Dia ancien secrétaire général de la Senelec, aujourd’hui directeur de cabinet du ministre du Pétrole et des Énergies.
Réduction du pétrole dans le mix énergétique
À la faveur d’un retour à l’équilibre de ses comptes, la Senelec a réalisé des bénéfices nets de 30 milliards de F CFA en 2016. En 2017, les capacités nationales de production d’électricité s’établissaient à 1 130 MW, tandis que la demande globale étaient d’environ 650 MW. En 2012, ses capacités nationales de production atteignaient à peine 573 MW. Dans le même temps, la demande nationale d’énergie connait une croissance annuelle de 12 %.
L’opérateur historique a lancé en 2017, sous la houlette de son ex-directeur général Mouhamadou Makhtar Cissé, le Plan d’actions prioritaires (PAP) 2016-2020, également dénommé Plan Yeessal 2020 (« réhabilitation », en wolof), dont l’objectif est de parvenir à réduire à 8 % la part des produits pétroliers dans le mix énergétique national. Le solaire y occupe une part importante. Ainsi depuis fin 2017, cinq parcs solaires ont été mis en service à travers le pays.
À l’origine des inquiétudes sur l’état financier de la société, le prix auquel l’entreprise vend son électricité, qui est inférieure à son coût de production réel. Ce prix réduit étant permis par l’État qui s’était engagé à subventionner l’entreprise, notamment pour ses achats de pétrole à la Société Africaine de Raffinage, et d’électricité à des centrales électriques privées. Selon le syndicat : les subventions versées par l’État sont insuffisantes.
Ajustement des tarifs à la hausse
Pape Mademba Bitèye affiche là aussi sa volonté de rassurer. « L’État apporte son soutien [à la Senelec] depuis 2012 à travers des subventions d’investissement, d’exploitation, etc. L’entreprise devait de l’argent à l’État à l’issue d’une opération de restructuration financière. Ce dernier l’a ensuite transformé en capital. Entre les deux, c’est comme le principe des vases communicants ».
Le dirigeant reconnaît pourtant que, dans une opération de croisement de dettes, son principal actionnaire a injecté 90 milliards de F CFA dans le capital de l’entreprise. Au bord du gouffre il y a près d’une décennie, la compagnie publique d’électricité a aujourd’hui réussi à se redresser à coup de centaines de milliards de F CFA d’investissement.
Début juillet, la question d’un ajustement des tarifs de l’électricité était évoquée, sur fond de renchérissement des cours du baril. Les coûts du combustible représentent 80 % des charges de la Senelec. Les services du ministère des Finances et du Budget avaient alors alerté sur la nécessité de tailler dans les subventions accordées au secteur de l’énergie.
Les dirigeants de la Commission de régulation du secteur de l’électricité (CRSE), organe de régulation tarifaire, avaient d’ailleurs lors de la première consultation publique sur les conditions tarifaires de la Senelec (période 2020-2022), indiqué que les tarifs de l’électricité auraient dû être ajustés de 39 % à la hausse depuis le 1er janvier 2019.
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