Partira, partira pas ?

Publié le 23 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Le rapport de force entre les pro- et les anti-Wolfowitz est, apparemment, relativement équilibré. On ne s’étonnera pas que les premiers se recrutent au gouvernement. Henry Paulson, le secrétaire au Trésor, a fait son devoir de solidarité en disant avoir « beaucoup de respect » pour le bon serviteur de l’État qu’il a été. Après avoir un peu hésité, la Maison Blanche s’est fendue de trois déclarations successives de soutien à un homme dont le président estime qu’il « a fait du très bon travail » dans la lutte contre la pauvreté, notamment en faveur de l’Afrique.
Les milieux républicains sont montés au créneau, par exemple dans le Wall Street Journal. Leur discours peut être résumé en ces termes : « Paul n’avait pas de mauvaises intentions, puisqu’il a lui-même demandé à son conseil d’administration de l’aider à trancher le conflit d’intérêts né de sa liaison avec une salariée de la Banque. Les avantages dont a bénéficié celle-ci peuvent sembler excessifs, mais elle aurait pu attaquer la Banque en justice pour l’interruption de sa carrière provoquée par l’arrivée de Paul Wolfowitz à la présidence, et les dommages et intérêts qu’elle aurait pu obtenir auraient été plus coûteux que ce qui a été négocié. Il est vrai que Paul n’aurait pas dû s’occuper de cela lui-même, mais il était novice et a cru bien faire. Maintenant qu’il s’est excusé de cette erreur, il faut qu’il continue son travail. »
Les anti-Wolfowitz les plus virulents ne se trouvent pas parmi les hommes politiques démocrates comme John Kerry, ancien candidat la Maison Blanche, mais parmi les ONG et, surtout, le personnel de la Banque. The Staff Association, sorte de syndicat maison, a pris sans ambiguïté position pour la première fois de son histoire et demandé le départ du président afin de « restaurer la crédibilité de l’institution ». Du directeur général Graeme Wheeler jusqu’aux assistants, le personnel juge qu’en succombant à la tentation du népotisme, Wolfowitz a perdu toute légitimité pour poursuivre la lutte qu’il a engagée contre la corruption. Pis, il risque de dissuader les pays donateurs d’apporter cette année les 25 à 30 milliards de dollars dont l’aide au développement des pays les plus pauvres a besoin, de 2008 à 2011.
Le sort du président de la Banque dépend de son conseil d’administration. Celui-ci l’a implicitement désavoué le 12 avril, en affirmant que, contrairement à ce qu’il avait prétendu dans un premier temps, Paul Wolfowitz avait fixé seul l’accord avec Shaha Riza. La décision de publier l’ensemble des documents de l’affaire a été prise à l’unanimité des vingt-quatre administrateurs, l’Américain compris.
Le conseil a décidé de laisser passer l’orage et de donner à Paul Wolfowitz le temps de réfléchir, durant l’assemblée annuelle des 14 et 15 avril, à Washington. Ira-t-il plus loin ? Les Européens – Allemagne, France et Grande-Bretagne en tête -, estiment qu’il doit partir. Ils sont rejoints par les Scandinaves, choqués par l’affaire Riza, et par les Brésiliens.
Paul Wolfowitz peut compter sur la reconnaissance de certains Africains comme le Liberia, mais celui-ci ne siège pas au conseil. En revanche, figurent dans son camp les administrateurs canadien et japonais. Les Chinois, quant à eux, se demandent s’il ne serait pas plus malin de conserver un président affaibli, donc malléable. Tout dépendra de la capacité des Européens à faire bloc, puisqu’ils détiennent ensemble 32 % des droits de vote, contre 16 % pour les États-Unis.
Depuis le jeudi 19 avril, le président met en place un nouveau contre-feu pour éviter un vote hostile de son conseil et parle de revoir son mode de direction. En clair, cela signifie qu’il est prêt à sacrifier les membres de sa garde rapprochée qui exaspèrent le plus le reste du personnel par leur suffisance et leur brutalité. Les plus menacés seraient Robin Cleveland, dite « Dragon Lady », et Kevin Kellems, son conseiller en communication.
En définitive, tout dépend du débat qui se poursuit au sein du gouvernement américain sur l’avenir de Paul Wolfowitz. Il est notoire que la secrétaire d’État Condoleezza Rice ne lui est pas favorable et que Henry Paulson est hésitant. Qui emportera l’adhésion du président Bush, seul à même de trancher ?

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