Nawfel Raghay : « Au Maroc, il faudrait investir 110 millions de dollars dans la TNT avant juin 2015 »
Nawfel Raghay, ancien directeur général de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) du Maroc, revient pour « Jeune Afrique » sur la préparation du royaume chérifien au passage à la TNT.
Propos recueillis par Julien Clemençot
Jeune Afrique : Le Maroc sera-t-il prêt pour le rendez-vous de juin 2015 ?
Nawfel Raghay : Si ce qu’on entend par « prêt » est l’existence d’un réseau d’émetteurs TNT, la réponse est oui. Ils couvrent actuellement 80 % de la population. Mais émettre ne signifie pas nécessairement être reçu.
Le taux de pénétration de la TNT dans les foyers se situe entre 6 % et 8 % actuellement. Sur un total de 5,6 millions de foyers, plus de 5 millions ne sont pas encore équipés, et ce à une année de l’échéance de l’extinction de l’analogique. Vu la faible implication des pouvoirs politiques, il ne fait aucun doute que la situation demeurera quasi identique en juin 2015.
Pour quelles raisons prévoyez-vous cet échec ?
Le déploiement de la TNT s’est effectué en l’absence de toute stratégie nationale. Il a été appréhendé sous son seul angle technologique. Les actions menées pour accompagner ce changement majeur – la création d’une chaîne de fiction sur la TNT, une campagne d’information de quelques mois en 2008 et l’interdiction d’importer des téléviseurs sans tuner TNT à partir de 2010 – étaient très en deçà des efforts nécessaires.
Vu les délais, il est impératif de lancer une opération coup de poing. C’est-à-dire fabriquer et installer des boîtiers TNT low cost dans tout le royaume et acquérir en diffusion terrestre gratuite et en multicanal les droits des très grandes manifestations sportives à venir comme la Coupe d’Afrique des nations qui sera organisée au Maroc [en 2015]. Au total, il faudrait investir au moins 110 millions de dollars [plus de 80 millions d’euros] pour sauver la télévision terrestre marocaine d’une mort annoncée.
Quelles seraient les conséquences d’un non-respect de cette échéance pour le Maroc ?
La diffusion en analogique, au-delà de 2015 pour les fréquences UHF et de 2020 pour les fréquences VHF, entraînera un risque de brouillage des signaux numériques des pays voisins, notamment dans le sud de l’Espagne, à Las Palmas et au Portugal. Et ce alors que les accords et règlements de l’Union internationale des télécommunications doivent leur assurer une totale protection de l’usage de ces fréquences.
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