Michel Kazatchkine

Selon le nouveau patron du Fonds mondial de lutte contre le VIH, le paludisme et la tuberculose, le partenariat international se renforce enfin.

Publié le 23 avril 2007 Lecture : 5 minutes.

Le professeur Michel Kazatchkine a quitté ses fonctions d’ambassadeur de France de la lutte contre le sida pour prendre, le 23 avril, ses fonctions de directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Une institution dont il a déjà dirigé le comité technique. Pour Jeune Afrique, il revient sur la place des projets de lutte contre le paludisme au sein du Fonds et sur leur prise en charge au niveau international.

Jeune Afrique : Dans le cadre de vos nouvelles fonctions, à quel rang de priorité placez-vous la lutte contre la malaria ?
Michel Kazatchkine : Il n’y a pas de rang de priorités, d’autant que ce n’est pas le Fonds qui décide des programmes qu’il finance. Les pays envoient des propositions examinées par un conseil technique. Au cours de ses quatre premières années de fonctionnement, le Fonds a consacré 57 % de ses financements à des programmes de lutte contre le sida, 28 % contre le paludisme et 15 % contre la tuberculose. Et 60 % du total en direction de l’Afrique. Aujourd’hui, le Fonds sauve 3 000 vies par jour dans le monde.
Quel accueil réserve-t-on aux projets liés au paludisme ?
Les requêtes pour le paludisme sont moins nombreuses que pour les deux autres maladies. Il y a 60 % de chance qu’un dossier concernant la tuberculose bénéficie d’un financement contre 40 % pour le sida et 30 % pour le paludisme. En ce qui concerne la tuberculose, la raison est simple : les interventions sont standardisées et plutôt faciles. Dans beaucoup de pays, les programmes de lutte contre la tuberculose existent depuis de nombreuses années et le partenariat international « Stop TB » a fourni une assistance technique extrêmement solide. Pour le sida, d’énormes progrès ont été réalisés dans la conception des programmes nationaux, et il existe désormais une véritable armée de consultants internationaux. Les programmes concernant le paludisme sont en retrait. Pourtant, les interventions sont relativement simples, que ce soit en termes de traitement intermittent pour les femmes enceintes, de moustiquaires imprégnées à titre préventif ou d’antipaludéens de première et de seconde génération. Mais les programmes nationaux ne sont pas assez solides. En outre, il est nécessaire de renforcer le partenariat international Roll Back Malaria (RBM).
Cette tendance a-t-elle toujours prévalu ?
Il y a eu des progrès. L’arrivée des ACT, les médicaments de deuxième génération, des combinaisons à base de dérivés d’artémisinine, ont suscité un réel engouement. De nombreux pays ont pris conscience qu’il fallait les utiliser. Le Fonds a donc révisé certains programmes de fourniture d’antipaludéens de première génération, pour passer à ceux de seconde génération. C’était en 2003. Les fonds consacrés au paludisme ont atteint, à l’époque, jusqu’à 45 % des dépenses.
Comment expliquer ce faible engagement pour la lutte contre le paludisme ? S’agit-il d’un manque de volonté politique ?
Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’un manque de volonté politique. N’oublions pas que nous ne disposons pas de moyens de diagnostiquer avec certitude. Nous manquons aussi de données épidémiologiques de résistance qui permettraient de mieux adapter les traitements. Et, encore une fois, le partenariat international est moins efficace que pour les deux autres maladies. Il se renforce toutefois, avec notamment l’engagement des États-Unis et de la Banque mondiale.
Les États-Unis privilégient l’aide bilatérale
Je constate des signes d’ouverture vers le multilatéral. Le Congrès américain a voté cette année une augmentation des crédits : 750 millions de dollars sont destinés au Fonds mondial. En outre, l’Initiative du président contre le paludisme qui, bien qu’elle n’ait pas l’ampleur de son équivalent contre le sida, est dotée de 500 millions de dollars. L’amiral R. Timothy Ziemer, son coordinateur, m’a témoigné de sa forte volonté de coopération. Mais leur argent ne sera dépensé qu’après une analyse précise des financements multilatéraux. Quant à la Banque mondiale, il semblerait que son président, Paul Wolfowitz, ait fait du paludisme l’une de ses préoccupations. En tant que directeur du Fonds, j’attends qu’elle participe au financement des infrastructures et du personnel plutôt que des interventions.
Il semblerait qu’aujourd’hui les États aient plus facilement recours au Fonds mondial. Mais c’est la lutte contre le VIH qui les mobilise davantage
Le Fonds mondial apporte entre 50 % et 55 % des financements mondiaux pour la lutte contre le paludisme, ce qui est considérable. L’essentiel, c’est que cette structure soit devenue, pour 136 des 139 pays éligibles, l’instrument multilatéral privilégié de l’aide contre les trois maladies. Mais il ne s’agit pas de comparer les vies sauvées. Si le VIH fédère tant, c’est parce qu’il touche également les pays du Nord. Mais aussi parce qu’il a un impact socio-économique considérable sur le développement. D’une manière générale, nous constatons que les choses ont évolué ces quatre dernières années. Le Fonds a joué un rôle important, il a apporté des financements qui n’existaient pas auparavant. Et il a permis que les pays du monde entier se préoccupent désormais des trois maladies.
Les programmes du Fonds atteignent-ils leurs objectifs ?
Avec l’argent du Fonds, 18 millions de moustiquaires imprégnées ont été distribuées, 25 millions de personnes traitées, 3,6 millions de personnes formées à la prévention et au traitement. Mais il reste beaucoup à faire. Nous avons pour but de fournir 30 millions de moustiquaires en 2007 et 100 millions en 2009. En matière de lutte contre le paludisme, nous avons atteint 73 % de nos objectifs pour la prévention et 77 % pour les traitements.
Ces résultats sont-ils dus à l’action des gouvernements ?
Ce n’est pas aussi simple. Deux exemples me viennent à l’esprit. Le Cameroun possède un programme de lutte contre le paludisme performant. Et le ministre de la Santé ne rencontre aucune difficulté sur ce sujet. Au Kenya, en revanche, la ministre de la Santé Charity Ngilu a beau faire preuve d’un dynamisme remarquable, les programmes paludisme et tuberculose du Fonds n’ont toujours pas démarré. Il ne s’agit donc pas seulement de la volonté d’un gouvernement d’agir, mais aussi des moyens mis à sa disposition. La lutte contre le sida a au moins permis d’améliorer les systèmes de santé de certains pays. Le Fonds mondial dépense pratiquement 50 % de son budget dans les dépenses liées au personnel et aux infrastructures.

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