Israël : en attendant un leader

Le quotidien suisse Le Temps publie un reportage de notre confrère sur la perception de l’initiative de paix saoudienne dans l’État hébreu. Extraits.

Publié le 23 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Bizarre. Étrange. Choquant même. Il y a cinquante-neuf ans que les Israéliens attendent d’être reconnus par leurs voisins arabes. L’établissement de relations diplomatiques avec l’Égypte avait totalement bouleversé ce pays. Pour la deuxième fois, c’est maintenant la Ligue arabe, tout le monde arabe, qui propose à Israël de le reconnaître en échange de la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967. Elle le fait avec encore plus de solennité qu’en 2002 et, cette fois-ci, même le Hamas suit le mouvement en ne se désolidarisant pas de cette offre, qui n’a pourtant rien pour l’enthousiasmer.
L’événement est d’autant plus énorme que les dirigeants israéliens martèlent depuis la guerre qu’ils ont perdue contre le Hezbollah libanais que leur « top priorité » est de se rapprocher des régimes arabes pour contrer l’Iran et le radicalisme islamiste. Ce devrait être la fête en Israël. « Enfin ! » devrait-on entendre dans les flonflons et les applaudissements, mais non. L’embarras des milieux gouvernementaux n’a d’égal que l’indifférence de la rue. À croire qu’Israël ne veut pas de la paix, qu’il préfère garder les Territoires occupés. « Non ! Ne croyez pas cela, répond Meron Rappaport, journaliste au Haaretz, le grand quotidien de la gauche israélienne. Les Territoires ne sont plus sacrés que pour les 10 % de nationaux religieux, mais, en même temps que l’idée du Grand Israël s’effondrait, celle du choc des civilisations s’est imposée dans ce pays. » « Entre la victoire électorale du Hamas, les attentats du 11 Septembre et, maintenant, l’Iran, poursuit-il, les gens ne croient plus que la paix soit possible avant plusieurs générations et, parallèlement, ils voient l’économie se développer, le chômage baisser et le terrorisme régresser. Ils ont fini par se dire qu’on pouvait vivre et aller de l’avant à l’abri du Mur sans recommencer à rêver d’un règlement définitif. »

Même diagnostic chez l’ancien patron du Shin Beth, les services de sécurité intérieure. Devenu militant de la paix en 2002 aux côtés de Sari Nusseibeh, l’un des plus grands intellectuels palestiniens, Ami Ayalon est aujourd’hui la personnalité la plus appréciée des militants du Parti travailliste. Il en brigue la direction, court d’un meeting à l’autre, martèle qu’il ne faut pas laisser passer cette chance de paix et, pour lui, la cause est entendue : « Les gens ont à la fois envie d’espérer et peur d’être une nouvelle fois déçus. »
C’est vrai. Des terrasses aux taxis collectifs, dès qu’on pousse les Israéliens, quand on leur dit que tout de même, les choses bougent, que le Hamas déclare désormais « respecter » les accords que l’OLP a passés avec Israël, qu’il y a là une reconnaissance implicite de leur pays et qu’elle est renforcée, depuis Riyad, par le feu vert des islamistes au plan de la Ligue arabe, l’indifférence se fissure. La plupart commencent par dire que « non », que tout cela n’est que manuvres et tromperies, que « les régimes arabes ne veulent au mieux qu’une trêve, car ils ont peur de l’Iran », et puis, lentement, l’intérêt s’éveille. La discussion s’engage et l’on entend des « peut-être », des « on verra » qui sonnent comme autant de « si c’était vrai ». Meron Rappaport : « Si Israël avait un leader d’assez de trempe pour dire au pays : Voilà, j’ai un accord avec le monde arabe et le prix en est un partage de Jérusalem et le retour aux frontières de 1967 », la majorité des électeurs suivrait. Les sondages ne le contredisent pas, mais justement, ce leader, Israël ne l’a pas. Avec un Premier ministre tombé à 3 % de taux de confiance, Israël n’a pas de leader du tout, car Ehoud Olmert est totalement disqualifié par l’échec de la guerre d’août et les scandales financiers ou sexuels qui minent son gouvernement.

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Alors ? « Nous sommes sur la défensive et ce n’est pas la meilleure des positions », répond Ayalon. Que ferait-il s’il était aux commandes ? Il accepterait, dit-il, l’initiative arabe comme un « premier pas » permettant des négociations « entre tous ceux des États de la région qui sont prêts à relancer le processus de paix et considèrent que l’Iran et le terrorisme sont des menaces majeures ». Il appellerait, deuxièmement, à une conférence internationale sur ces trois questions dans laquelle Mahmoud Abbas représenterait les Palestiniens. Et, troisièmement, il demanderait à toutes les parties prenantes de fonder un règlement définitif sur le compromis que Bill Clinton avait proposé pour Jérusalem, sur des échanges de territoires permettant le maintien des grandes implantations sous souveraineté israélienne et sur la limitation à la future Palestine du droit au retour des réfugiés palestiniens.

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