Hamed Diané Séméga
Ministre malien des Mines, de l’Énergie et de l’Eau
Le ministre malien des Mines, de l’Énergie et de l’Eau préfère voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. Par conviction, certainement : Hamed Diané Séméga, 47 ans, se définit comme un « afro-optimiste », fustigeant, sans jamais hausser le ton, « ces caricatures de l’Afrique paupérisée ». Mais aussi parce que, deux jours avant sa visite à Jeune Afrique, le 16 avril, l’ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA) de Bamako – fier d’être un « pur produit de l’école malienne » et de n’avoir « pas un diplôme en plus que ceux obtenus en Mali » – a signé une importante convention de financement à New Delhi. Moyennant un taux d’intérêt dérisoire (1,75 %), l’État indien s’engage à prêter 75 millions de dollars au Mali, remboursables sur vingt ans.
La somme doit servir à la réalisation, en grande majorité par des entreprises indiennes, d’un projet d’envergure qui sommeillait dans les tiroirs depuis le milieu des années 1990, faute de fonds et de partenaires (à l’exception de la Banque mondiale, mais dont les procédures internes ont ralenti le passage à l’acte) : l’interconnexion électrique avec la Côte d’Ivoire. Si les travaux se déroulent au rythme souhaité et si l’appel d’offres est bouclé, comme prévu, dans trois mois, une ligne haute tension (225 kilovolts) de 637 kilomètres reliera Ferkessédougou, dans le Nord ivoirien, à la capitale malienne, en passant par Sikasso et Bougouni.
« Cette ligne, c’est le chaînon manquant en Afrique de l’Ouest. Elle s’inscrit dans le droit chemin de la politique d’intégration électrique de la Cedeao », se félicite Hamed Diané Séméga. Faute d’un nombre suffisant de centres de production, seulement 15 % des habitants de son pays ont accès à l’électricité. Le but de l’interconnexion, c’est donc d’augmenter la « puissance installée », de 152 mégawatts (MW) actuellement. Le raccordement à la Côte d’Ivoire promet de l’accroître de 80 MW à partir de 2009, puis de 200 MW après 2012. Avec la nouvelle ligne, le prix du kilowattheure devrait être divisé par quatre, passant de 160 à 40 F CFA.
La situation politique à Abidjan, certes en voie de normalisation, pourrait-elle entraver la marche du projet ? « De part et d’autre, les autorités le soutiennent fortement », assure le ministre. Optimiste, toujours. Et quid d’un changement à la tête de l’État, qui pourrait intervenir à l’issue de la présidentielle du 29 avril ? « Je pense que les Maliens renouvelleront leur confiance à Amadou Toumani Touré », espère-t-il encore.
Hamed Diané Séméga a rejoint le gouvernement d’ATT dès le début du mandat de ce dernier, en 2002. À l’époque, il est, comme depuis le début de sa carrière, consultant spécialisé dans le domaine minier, aidant les multinationales de l’or (dont Bamako est le troisième exportateur africain), notamment le canadien Golden Star, à s’implanter au Mali. Il quitte le « confort relatif » dans lequel il vivait et rejoint le gouvernement d’ATT. Le nouveau ministre, qui dit gagner aujourd’hui « vingt fois moins que dans le secteur privé », n’est pas exactement étranger à la politique. Un an avant la chute du dictateur Moussa Traoré, en 1991, le jeune diplômé qu’il est alors crée l’« Alliance civique et patriotique », une « association de jeunes et de citoyens pour interpeller les Maliens sur la nécessité de la démocratie ».
Ayant commencé par approcher le secteur minier du côté des entreprises, Hamed Diané Séméga est excédé par les critiques des ONG étrangères qui accusent l’État malien de favoriser les « majors de l’or » au détriment des populations locales, alors que le métal jaune, représentant 21 % de la richesse nationale et 72 % des recettes d’exportation en 2006, pourrait être une manne partagée. Code minier trop complaisant (une nouvelle version devrait voir le jour fin 2007), trop peu d’obligations de réinvestissement dans le pays, négligence des populations locales : les critiques sont du même registre que celles qui dénoncent la « malédiction de l’or noir ». « L’exploitation des mines est une activité à risques, et nous devons rester compétitifs par rapport aux autres pays. Les investisseurs privés ne viennent que si la réglementation est attrayante », se défend le ministre, avant d’ajouter : « Il est de bon ton de dire que le Mali ne profite pas de son or, mais cette critique est de celles qui entretiennent l’afropessimisme. » Optimiste, toujours.
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