Dernière ligne droite en (rase) campagne
Face à la machine ATT, les candidats d’opposition, en ordre dispersé, peinent à mobiliser. Les autorités craignent un taux d’abstention élevé.
Bamako vit des jours tranquilles. La fièvre électorale tant annoncée se fait attendre. Les deux premières semaines de la campagne du scrutin présidentiel, dont le premier tour est prévu le 29 avril, ont été étrangement calmes. Les petites phrases assassines, les retournements d’alliances et les déclarations grandiloquentes de ces derniers mois laissaient pourtant augurer une fin de course houleuse. Rien de tout cela. Pour l’heure, seuls les colleurs d’affiches semblent se livrer une âpre bataille dont les images diffusées par l’ORTM, la chaîne de télévision publique, succèdent aux rares scènes d’enthousiasme filmées aux abords des sièges de campagne. « Il s’agit d’un faux rythme, assure Baba Daga, ancien présentateur vedette du journal télévisé et observateur avisé de la vie politique malienne. La plupart des candidats attendent la dernière semaine pour tenir des meetings à Bamako et convaincre les derniers indécis. »
La capitale concentre, certes, tous les efforts des huit candidats en lice, mais pas l’ensemble de l’électorat. Loin de là. Parmi les 7 millions de votants : 72 % sont des ruraux, 27 % des citadins et seulement 9 % habitent Bamako – le reste étant formé par les électeurs de la diaspora. Le président sortant, Amadou Toumani Touré (ATT), l’a bien compris qui, en seulement quinze jours, s’est rendus dans six des huit régions que compte le pays. Profitant de ses déplacements présidentiels, le chef de l’État a également rendu visite aux communautés maliennes résidant à Niamey (Niger), Libreville (Congo) et Nouakchott (Mauritanie). Meetings, rencontres avec les chefs religieux, les hommes d’affaires, les éleveurs, les agriculteurs Le rythme se veut soutenu. Mais il faut dire qu’ATT bénéficie de davantage de moyens que ses rivaux. Le président sortant dispose du soutien de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP) rassemblant une quarantaine de partis politiques dont l’Adéma (ancien parti d’Alpha Oumar Konaré), l’UDR de Soumaïla Cissé, actuel président de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, et le MPR du docteur Choguel Maïga, trois machines électorales implantées au niveau national.
La coalition d’opposition – le Front pour la démocratie et la République (FDR) – ne pourrait soutenir la comparaison, malgré sa visibilité. Face aux appareils concurrents porteurs d’une candidature unique, le FDR est dispersé au travers de quatre candidats ayant passé un pacte électoral en vue de parvenir à une alternance au pouvoir. En tête du quatuor : Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) du Rassemblement pour le Mali (RPM), qui s’est imposé comme le rival le plus sérieux d’ATT. Dans une campagne jusque-là plutôt morne, les meetings de l’actuel président de l’Assemblée nationale et ancien Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré ont réussi à rassembler de nombreux militants.
De son côté, Tiébilé Dramé, ex-chef de la diplomatie et ancien compagnon de route d’ATT durant les quatre premières années de son mandat, ne manque jamais une occasion de pointer du doigt « les limites » de l’action du chef de l’État. Le candidat de la Parena (Parti pour la renaissance nationale) a le sens de la mise en scène – il a démarré sa campagne dans sa ville d’origine, Nioro-du-Sahel, localité également choisie par ATT pour annoncer sa candidature -, mais propose également un programme concret de développement élaboré sur la base de douze grands chantiers.
Après un départ tonitruant, Soumeylou Boubèye Maïga, ancien patron de la Sécurité d’État, membre fondateur de l’Adéma (dont il a été exclu en février 2007 pour avoir refusé de soutenir la candidature d’ATT), peine à se démarquer. Le candidat d’Association Convergence 2007 n’aura effectué aucun grand meeting populaire durant les deux premières semaines de la campagne. Pis : le 16 avril, son fief Gao a réservé un accueil triomphal à ATT. Encore plus discrète, l’opération séduction de Blaise Mamadou Sangaré, président de la Convention pour la démocratie sociale (CDS), s’est limitée à des apparitions télévisuelles et des interviews dans les journaux locaux. Le chef de la CDS n’a animé aucun rassemblement populaire, en dehors de son fief de Bougouni.
En dehors des deux coalitions, trois « électrons libres » tâchent également de faire entendre leur voix. Investie par le Rassemblement pour l’environnement et le développement durable (REDD) Sidibé Aminata Diallo, professeur à l’université de Bamako, est la première femme à se présenter à l’élection présidentielle au Mali, et entend bien le faire valoir. Manque de chance, les plus grandes organisations et associations féministes se sont d’ores et déjà engagées aux côtés du président sortant. En outre, la candidate ne peut compter que sur un staff à l’organigramme anémique et des rencontres avec un public clairsemé, plus curieux que véritablement engagé. La prétendante, qui ne se fait aucune illusion sur son score au soir du 29 avril, profite en fait de cette tribune pour évoquer des sujets encore loin d’être des priorités aux yeux des autres candidats : la parité dans la représentation politique, la solidarité avec la femme rurale et la dénonciation de l’archaïsme de la société malienne.
Fidèle à sa réputation d’homme de gauche, Oumar Mariko, investi par Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), s’engage en cas de victoire à renationaliser toutes les entreprises privatisées et, selon lui, « bradées par les gouvernements successifs. » Ancien leader de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), mouvement ayant participé à la chute du régime de Moussa Traoré en 1991, Oumar Mariko a débuté sa campagne par un camouflet : les anciens secrétaires généraux de l’AEEM ont ignoré sa candidature pour soutenir celle d’ATT
De son côté, Madiassa Maguiraga, président du Parti populaire pour le progrès (PPP), une formation politique essentiellement implantée dans les quartiers périphériques de la capitale, a animé des meetings uniquement à Bamako. Son programme ? Financer le développement par la consommation. « Si je suis élu, promet-il, je multiplierai les salaires par trois. » Tonnerre d’applaudissements dans la salle
Pas sûr que les promesses – ni un résultat connu d’avance – suffisent à attirer les citoyens jusqu’aux urnes. Car, pour l’heure, les autorités se demandent bien comment mobiliser les électeurs qui traînent des pieds pour retirer leur carte de vote. Des ONG regroupant des jeunes et des femmes ont même lancé le 14 avril « Citoyen, jusqu’au bout », une opération visant à encourager les Maliens à prendre leur carte d’électeurs. Seules 15 % ont été retirées dans la capitale et 30 % dans le reste du pays. La campagne, qui n’a pas soulevé de grands débats, ne devrait pas en pousser beaucoup à réclamer leur droit de vote. Et le scrutin de 2007 pourrait bien ressembler aux précédents, lors desquels le taux de participation n’a pas dépassé les 30 %
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