Compte à rebours
Les traitements efficaces existent, mais, pour l’instant, seuls les riches peuvent se les procurer. Rendez-vous en 2010…
En 2005, l’association Médecins sans frontières (MSF) estimait que « faute de volonté politique et d’engagement financier de la part des États, de l’OMS, de l’Unicef, et du Fonds mondial, les vieux médicaments du paludisme, qui ont fait preuve de leur inefficacité, sont encore largement utilisés » Après l’annonce en 2000, à Abuja (Nigeria), des Objectifs du millénaire pour la santé, la situation a-t-elle évolué ?
Selon le docteur Bernard Pécoul, directeur de l’association DNDi (Initiative pour la recherche de médicaments pour les maladies négligées) fondée par MSF, « il existe une volonté aussi bien nationale qu’internationale de changer les traitements, mais elle est encore loin d’être appliquée par tous. Et pourtant, le temps presse ! ». Le taux de mortalité lié au paludisme ne parvient pas à baisser. Le parasite résiste de plus en plus souvent aux rares médicaments (chloroquine, sulfadoxine-pyréthamine) qui longtemps l’ont combattu et restent toujours en usage en Afrique parce que peu coûteux. Seuls les voyageurs et les particuliers qui en ont les moyens peuvent acheter les derniers antipaludiques efficaces telle la méfloquine, dix à cent fois plus chers que la chloroquine.
Entre 1975 et 1999, sur près de 1 400 médicaments mis sur le marché mondial, seul 1 % était destiné au traitement de maladies infectieuses ou parasitaires. Les trois ans à venir suffiront-ils à rattraper trois décennies durant lesquelles l’industrie du médicament ne s’est pas réellement consacrée à la recherche de thérapies efficaces ? Un premier pas dans le processus de remise en route d’une recherche de médicaments sur les maladies négligées semble pourtant avoir été franchi ces derniers mois. En mai 2006, l’Assemblée mondiale de la santé a adopté une résolution sur la recherche-développement (R & D) obligeant l’OMS à s’impliquer dans la définition des priorités de la recherche médicale et dans la question de son financement. Du côté des partenariats public-privé (PPP), l’optimisme est de mise. Saluée unanimement par la presse internationale, l’arrivée de l’Asaq (voir J.A. n° 2409) a déclenché une certaine dynamique. Mais ces combinaisons à base d’artémisinine, à la fois plus efficaces et plus faciles d’utilisation, sont plus chères que la chloroquine, malgré les efforts consentis sur le prix. Le nouveau médicament est vendu à moins de 1 dollar pour un traitement de trois jours, dans le secteur public et sous certaines conditions dans le privé.
Réduire la malaria de moitié nécessite également une gamme étendue de médicaments efficaces. Le paludisme est une pathologie multiforme, qui doit être combattue de manières différentes selon les régions. Contrées arides ou forestières, les zones où sévit la maladie sont nombreuses. Sans compter que le développement économique a favorisé, avec l’irrigation et la déforestation, l’accroissement des risques de paludisme permanent dans des régions où il était saisonnier, voire inexistant comme dans les Hauts-Plateaux de Madagascar. Aujourd’hui, la communauté internationale convient qu’il est urgent de chercher de nouvelles molécules pour élaborer des médicaments efficaces. Mais cela nécessite bien évidemment du temps et de l’argent. Selon la revue Médecine tropicale, la réussite des PPP tient à leur capacité à mobiliser les chercheurs de grands instituts internationaux, à valoriser leurs travaux et à transférer rapidement leurs découvertes vers la voie du médicament. Si tous les PPP n’arrivent pas à survivre, certains d’entre eux y parviennent. Parmi les plus en vue (sur la centaine identifiée) : DNDi et Medicines for Malaria Venture (MMV), organisme à but non lucratif, partenaire de l’industriel GlaxoSmithKline (GSK), le second dans la lignée des grands fabricants de médicaments mondiaux. MMV a d’ores et déjà annoncé qu’il lancera au moins trois polythérapies à base d’artémisinine d’ici à 2010 dont la première, le CDA (chlorproguanil-dapsone-artésunate), pourrait être disponible en 2008. L’intérêt porté au paludisme semble peu à peu gagner du terrain.
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