Autant en emporte le sable
Tourné à Djibouti, le film de Marion Hänsel mêle réalité et fiction pour suivre une famille dans son ?exode à travers le désert. Interview de la réalisatrice.
Quelque part en Afrique, le sol qui se craquelle, le sable qui grignote toujours un peu plus la terre, des hommes et des femmes pris entre la sécheresse d’un côté et la guerre qui menace de l’autre. Voici le scénario de Si le vent soulève les sables*, de Marion Hänsel. Cette adaptation de Chamelle, roman de Marc Durin-Valois, s’attache à suivre une famille sur la route de son exode. Il lui faudra affronter l’armée, les rebelles, les brigands. Dans un style épuré, la réalisatrice filme cette longue marche dans des contrées hostiles, avec la mort et le vent pour seuls compagnons. Ne survivront que le père et sa fille, Shasa.
Marion Hänsel a tourné ce film au milieu du désert blanc et plat de Djibouti. Pour incarner les parents, son choix s’est porté sur des acteurs professionnels : Carole Karemera (Mouna) et Issaka Sawadogo (Rahne), originaire du Burkina Faso, qui a obtenu pour ce rôle le Prix de la meilleure interprétation masculine au Festival international du film du Cap (Afrique du Sud).
Née à Marseille, Marion Hänsel a grandi en Belgique, où elle vit actuellement. Elle s’est fait remarquer en 1984 pour son adaptation de Dust, le roman du Sud-Africain Coetzee, qui a remporté le Lion d’argent à Venise. Dans son dernier film, elle veut évoquer les questions environnementales et les guerres qui y sont liées. Selon l’ONU, il existe près de 300 zones de conflits potentiels dont l’enjeu est l’eau. Quelque 2,4 milliards de personnes ne disposent pas suffisamment d’eau douce. On estime à 25 millions le nombre de réfugiés écologiques à travers le monde, obligés d’abandonner leurs foyers à cause d’une dégradation importante de leur environnement. La réalisatrice a voulu « témoigner de la souffrance de ces vies ».
Jeune Afrique : Qui sont les responsables de la mauvaise gestion de l’eau ?
Marion Hänsel : On est tous responsables. Dans les pays nantis, on en consomme beaucoup trop, et on appauvrit la terre. En Afrique, les ressources ne sont pas bien gérées à cause des conflits armés autour des puits. On est dans une situation de désorganisation mondiale. Le problème est global et très complexe.
Jamais les personnages ne se plaignent ni ne se révoltent. Ils semblent résignés, comme si leur seule chance était la fuite. Quel espoir ont-ils ?
La dureté de cette histoire a rencontré ma manière de filmer : j’ai une caméra et un style très retenus ; comme j’ai assez peur des émotions, je les filme avec distance. Je ne voulais pas en rajouter. Mes personnages sont stoïques plus que fatalistes. La réalité est ainsi. Les gens affichent un stoïcisme face à la détresse et à la douleur. Ils n’ont pas le choix, ne peuvent pas s’arrêter pour pleurer. S’ils le font, ils meurent.
Mais continuer à tout prix, n’est-ce pas continuer vers la mort ?
Ou vers les camps de réfugiés ! Mais la solution des camps n’est que cautère sur jambe de bois. J’ai tourné dans un authentique camp éthiopien à Djibouti. Des gens y vivent depuis quinze ans, des enfants y sont nés et y ont grandi. Ces réfugiés n’ont aucune solution. Ils ne peuvent pas retourner en Éthiopie car le pays n’est pas stabilisé, et l’Occident n’ouvre pas ses frontières pour les accueillir.
Votre film est-il pessimiste ?
Non. C’est un film d’espoir, grâce à la force inouïe de Shasa, la jeune fille qui surmonte tous les dangers et qui garde foi dans la vie. Les femmes africaines sont incroyablement fortes, et l’avenir de l’Afrique est entre leurs mains si on leur donne plus d’autonomie et d’éducation. C’est dans cette direction que doit aller le continent.
Vous ouvrez le film sur une tentative d’infanticide. Pourquoi avoir choisi de débuter ainsi ?
Il paraît que certaines peuplades de l’Éthiopie pratiquent encore l’infanticide des filles lorsqu’il n’y a pas assez à manger. Commencer le film par un prologue aussi dramatique est symbolique : Shasa survit grâce à sa mère qui brave un interdit. Cet épisode renforce la relation pleine de tendresse qui se construit entre le père et l’enfant et permet d’adoucir l’histoire.
*Si le vent soulève les sables, de Marion Hänsel, dans les salles françaises à partir du 2 mai.
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