Touchez pas à la Constitution !

Publié le 24 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Cette semaine, j’aimerais partager avec vous le courrier électronique et les légitimes interrogations d’un vieil ami béninois, universitaire et juriste émérite, dont je tais volontairement le nom.
Peux-tu me dire, m’écrit-il dans un style succinct, ce que tu penses :
1 D’une éventuelle modification de la Constitution béninoise qui ferait sauter le verrou de l’âge (70 ans) et la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux quinquennats ?
2 Du fait que le président Mathieu Kérékou rempile pour un nouveau terme en 2006 ?
3 De la réaction qu’elle susciterait chez nos partenaires étrangers ?
Et l’ami de poursuivre : « Cette affaire de modification constitutionnelle fait actuellement l’objet de vifs débats dans le pays, à telle enseigne que je suis quotidiennement agressé par les pro et par les contre. »
Je vous livre maintenant ma réponse, non pas pour clore un débat qui intéresse beaucoup d’autres pays africains (Guinée, Togo, Gabon, Burkina, Tunisie, etc.), mais en espérant que vous serez nombreux à réagir sur un sujet crucial pour le devenir du continent.
Je suis contre, totalement contre, une éventuelle modification de la Constitution de décembre 1990. Elle est certainement imparfaite, et sans doute mériterait-elle un toilettage ou des ajouts ici et là, mais il faut éviter d’y toucher pour un « oui » ou pour un « non ». Il n’est pas interdit de procéder à une révision constitutionnelle par un vote qualifié à la Chambre ou par voie référendaire. Mais, dans les pays disons
civilisés, on y recourt, non pas pour assouvir la soif de pouvoir d’un homme, mais pour élargir le champ démocratique, corriger les inégalités sociales, mieux intégrer les minorités ou pour, éventuellement, abandonner une partie de la souveraineté nationale au profit d’une organisation supranationale. Bref, on procède à un lifting de la Loi
fondamentale pour passer du bien-être au mieux-être.
Mathieu Kérékou, qui aura 73 ans à la fin de son mandat actuel, en 2006, et qui aura ainsi passé vingt-neuf ans (dix-neuf ans de régime autoritaire et deux quinquennats en tant que président élu) à la tête du Bénin, peut donc légitimement faire valoir ses droits à la retraite. Il a assez « fait » pour son pays. Il y a certainement sur place
un millier de personnalités capables d’assurer, dans deux ans, un relais honorable. Ce serait, en tout cas, faire injure au Bénin et aux autres États africains que de croire le contraire. Le continent, souvent objet de risée, y gagnerait en crédibilité. Et les bailleurs de fonds applaudiraient un bel exemple de respect du droit.

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