Présidentielle, mode d’emploi

Le 8 avril, près de 18 millions d’électeurs seront invités à désigner le chef de l’État. Quelques clés pour mieux comprendre le déroulement des opérations de vote.

Publié le 23 février 2004 Lecture : 5 minutes.

Le 7 février 2004, douze jours avant d’annoncer qu’il est candidat à sa propre succession, le président Abdelaziz Bouteflika a signé un décret convoquant le corps électoral pour le scrutin présidentiel à la date du 8 avril. Une décision prise dans le respect des textes en vigueur, qui stipulent que cette démarche doit se faire soixante jours avant la tenue du vote. Le corps électoral comprend près de 18 millions d’Algériens ayant 18 ans ou plus le jour du vote. Lors des élections législatives et locales en 2002, le fichier électoral comprenait un peu plus de 17 millions de noms. Pour mettre à jour ce fichier, le ministre de l’Intérieur a procédé, dès la convocation du corps électoral, aux opérations d’actualisation entre les 10 et 24 février. Les votants seront répartis dans les quelque 40 000 bureaux de vote que comptent les 1 600 communes qui se partagent les
2 millions de km2 du territoire national.
Peuvent se présenter à cette élection tous les ressortissants algériens ayant 40 ans révolus au 8 avril 2004. Leur casier judiciaire doit être vierge et leur conjoint de nationalité algérienne. Les postulants nés avant le 1er juillet 1942 devront en outre satisfaire à une condition supplémentaire : il leur faudra produire une attestation communale délivrée aux personnes ayant participé à la guerre de libération. Cette disposition a pour but de barrer la route à ceux qui, ayant eu 20 ans ou plus le jour de l’indépendance (5 juillet 1962), n’ont pas milité durant la révolution.
Pour qu’une candidature soit retenue, il faut que le postulant soit parrainé par 600 élus (nationaux ou locaux) ou par 75 000 citoyens répartis sur au moins 25 des 48 wilayas (« départements ») que compte le pays, et qu’il dispose d’un minimum de 1 500 parrainages par wilaya. Le but recherché ? Éviter les candidatures farfelues et celles dont l’assise est uniquement régionale.
L’opération de collecte de signatures a débuté à la mi-janvier. Trois semaines avant la convocation du corps électoral, le ministère de l’Intérieur avait rendu public un communiqué invitant les candidats à retirer les formulaires à remplir et à faire signer par les parrains. Le postulant dispose donc de huit semaines pour réunir les signatures. Ce n’est pas trop, car l’affaire est loin d’être simple. L’obstacle des parrainages avait empêché, en 1999, deux anciens Premiers ministres, Réda Malek et Sid Ahmed Ghozali, de prendre part au scrutin, faute d’avoir réuni suffisamment de signatures.
Le « front antifraude » (également appelé « club des onze », voir J.A.I. n° 2247), une structure informelle qui regroupe une dizaine de personnalités envisageant de se présenter à l’élection, a vigoureusement dénoncé les mesures de l’administration qui compliquent la procédure de parrainage en « décourageant les citoyens qui affichent leur soutien aux candidats ». Les mesures stigmatisées ? L’obligation faite au parrain de prouver son lieu de résidence par la présentation d’une quittance de loyer et d’une facture d’électricité. Rien de scandaleux. D’autant que cette procédure a été initiée en 1995 sous le magistère de Mokdad Sifi, alors Premier ministre, aujourd’hui membre du « front antifraude ».
L’acte de candidature procède d’une démarche individuelle et non partisane. Le retrait d’un dossier se fait au nom du postulant et non au titre de sa formation politique ou de l’alliance qui le soutient. On compte une quarantaine de candidatures à ce jour. C’est-à-dire qu’une quarantaine de dossiers ont été retirés, dont celui du président Bouteflika le 7 février. La procédure prévoit le dépôt du dossier où doivent figurer les certificats de nationalité de l’intéressé et de son conjoint (s’il est marié, ce qui n’est pas le cas de « Boutef », par exemple), son casier judiciaire et les parrainages. Le tout doit être déposé auprès du Conseil constitutionnel une semaine avant la campagne électorale qui devrait se dérouler entre le 15 mars et le 6 avril. Le Conseil constitutionnel, présidé par le juriste et ancien juge à la Cour internationale de La Haye Mohamed Bedjaoui, devra rendre publique la liste définitive des candidats ayant satisfait à toutes les conditions requises.
Échaudé par le harcèlement judiciaire et l’hostilité de l’administration, l’ancien Premier ministre Ali Benflis a prévu de réunir le double du nombre de signatures exigées, soit 150 000 parrainages, en plus de l’émargement d’un millier d’élus. « Nous faisons cela, explique un proche collaborateur du secrétaire général du Front de libération nationale [FLN], pour éviter toute mauvaise surprise. »
La loi électorale date de 1997. Elle stipule que le scrutin présidentiel est uninominal, majoritaire à deux tours. Si aucun des postulants n’obtient plus de 50 % des suffrages exprimés, les deux candidats ayant réuni le plus de voix se retrouvent lors d’un second tour, quinze jours après le premier, soit le 22 avril.
La préparation des opérations de vote est confiée à une commission interministérielle, placée sous l’autorité du Premier ministre et chargée des aspects techniques et matériels. C’est donc l’administration qui doit veiller au bon déroulement du scrutin. Cette commission est composée de représentants des ministères de l’Intérieur, tutelle de l’administration locale, de la Défense, pour les questions de sécurité, des Affaires étrangères, pour le vote de la diaspora, de la Justice et des Finances.
Pour ce qui est de la régularité du scrutin, son contrôle est confié à une autre commission, indépendante celle-là, présidée par Saïd Bouchaïr, ancien président du Conseil constitutionnel. Elle regroupe les représentants des principales formations politiques présentes au Parlement et ceux des candidats. La Commission nationale indépendante de surveillance de l’élection présidentielle (Cnisep) se décline en structures locales, régionales et nationale. C’est elle qui élabore les procès-verbaux après les opérations de dépouillement. Chaque candidat reçoit, via ses représentants, une copie des 40 000 procès-verbaux, dont l’original est transmis au Conseil constitutionnel, organe habilité à proclamer le résultat final. La Cnisep veille également à l’égal accès aux médias lourds que sont la radio et la télévision. C’est elle qui détermine l’espace horaire, les temps d’antenne accordés à chaque candidat durant la campagne. Il lui revient également d’arrêter, par tirage au sort, le calendrier des interventions télévisées.
En plus des membres de la Cnisep, des scrutateurs représentant les postulants assistent à l’ensemble des opérations. Pour démentir les accusations de préparation de fraude massive, le président Bouteflika a fait appel à des observateurs étrangers pour témoigner de la transparence du vote. Dans ce but, il s’est tourné vers Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’Union africaine, et Pat Cox, président du Parlement européen, afin qu’ils dépêchent des observateurs.

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