Nous, les Arabes…
Publié le 23 février 2004 Lecture : 1 minute.
Parce que je ne suis plus ce que j’étais, je voudrais, ne serait-ce que par la pensée, enjamber le temps et l’espace pour briser le silence dans lequel j’ai grandi et dans lequel on veut me confiner.
Les mots qui vont suivre ressemblent à une délivrance pour un Arabe qui tourne en rond dans une morosité sans fin, où la maussaderie le dispute aux frustrations et où les dimanches ressemblent aux lundis. Je me réfugie dans les Inch’Allah. Je remplace le noir par le blanc et l’obscurité par la lumière. Je continue à croire à une cité juste et à des lendemains qui chantent, même si ma voix s’est quelque peu enrouée.
Nous, les Arabes, qui adorons les pur-sang, sommes devenus des poneys blancs et des blancs poneys, des béni-oui-oui corvéables à merci. Oui, nous avons perdu la raison à l’âge des mutations en plombant les cerveaux, laissant derrière eux « un héritage… ossifié, tourné vers la tradition, enlisé dans le passé », pour reprendre les mots d’Edward Saïd.
Aujourd’hui, à l’heure de la biologie moléculaire et de la troisième révolution industrielle de notre village planétaire, nous continuons à tourner le dos à la modernité, préférant la stagnation, l’abdication, le conservatisme et l’archaïsme. Nous sommes devenus obsolètes.
« Du corps de l’arabité / D’où et comment réveillerai-je / Les dormeurs », se demandait Adonis. Autrement dit, à quand la résurrection ?
Le jour se lèvera quand nous saurons « faire quatre triangles équilatéraux avec six allumettes ». Ce n’est pas facile. Pour y arriver, il faut impérativement se comporter et réfléchir différemment. Dure injonction !
Les plus belles choses naissent souvent des rêves fous, alors battons notre coulpe pour faire comme les huîtres d’un sombre grain de sable une perle lumineuse. Faisons-le ici et maintenant pour chasser cette longue, trop longue éclipse. Je veux vivre et entendre un jour parler de l’Arabe devenu enfin un vrai citoyen : quelqu’un qui est capable de gouverner et d’être gouverné.
