Museveni s’accroche

Sous le feu des critiques de l’oppo-sition, de la communauté internationale et d’une fraction de son propre parti, le chef de l’État tente de retarder l’inéluctable : son retrait du pouvoir.

Publié le 23 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Début février, lors d’une cérémonie de remise des diplômes à l’Institut universitaire des sciences et des technologies de Mbarara (Must), dans le sud-ouest de l’Ouganda dont il est originaire, le président Yoweri Museveni a demandé à l’opposition de « se calmer » et affirmé : « Je remettrai le pouvoir quand les dispositions adéquates seront prises. Je ne veux pas semer le désordre. » Selon le quotidien d’opposition The Monitor, il avait soutenu exactement le contraire le 14 janvier, se déclarant prêt à « remplacer les mouvementistes qui s’opposent [à lui] par d’autres qui veulent leurs postes ». Au pouvoir depuis dix-huit ans, l’ancien guérillero marxiste converti au libéralisme économique ne cesse de souffler le chaud et le froid. Un jour prêt à passer le témoin, le lendemain bataillant ferme pour conserver les leviers du pouvoir – fût-ce au prix de quelques écarts contre une presse jugée trop indépendante (voir encadré).
Après un doublé victorieux au référendum de 2000 et aux élections de 2002, Museveni a allumé l’incendie en tentant de supprimer les dispositions de la Constitution qui limitent à deux le nombre des mandats présidentiels. Et soufflé sur les braises en limogeant ceux qui osaient protester. Le 23 mai 2003, la vice-présidente Specioza Kazibwe et ses collègues de l’Intérieur (Eriya Kategaya), des Gouvernements locaux (Jaberi Bidandi Ssali) et de l’Intégrité et de l’Éthique (Miria Matembe) ont été victimes d’une purge préventive : ils s’étaient montrés un peu trop critiques envers le « Bismarck des Grands Lacs ».
Et pourtant, les dissensions au sein de son propre parti s’ajoutant aux pressions cumulées de l’opposition et de la communauté internationale pourraient contraindre Museveni à faire quelques pas en direction de la sortie. En 1986, au lendemain de sa prise de pouvoir, les partis politiques étaient totalement discrédités. Les Ougandais leur imputaient la responsabilité des dérives religieuses et ethniques des années Obote et Amin Dada. Ersatz de parti unique, le « Mouvement » mis en place par Museveni semblait de nature à garantir la stabilité du pays.
L’aide massive accordée par les bailleurs de fonds (elle représente aujourd’hui plus de 60 % des dépenses de l’État) a permis à ce système de se perpétuer tout en restant relativement populaire. En 2000, le référendum sur l’instauration du multipartisme a par exemple été remporté haut la main par le chef de l’État. Il est vrai que les principaux partis politiques, l’Uganda People’s Congress (UPC) et le Democratic Party (DP) notamment, avaient appelé au boycottage de la consultation : ils ne pouvaient ni s’exprimer publiquement ni faire campagne.
Le gouvernement envisage d’organiser, l’an prochain, un nouveau référendum sur le même sujet, comme si Museveni – qui vient de transformer son Mouvement en parti politique, le Mouvement de résistance nationale-organisation (NRM-O) – cherchait par tous les moyens à gagner du temps. De l’avis de l’opposition comme de celui de nombreux sympathisants du Mouvement, ce scrutin est tout à fait inutile. « Nous n’avons pas besoin d’un référendum puisque nous discutons déjà avec le gouvernement. Ce dont nous avons besoin, c’est de changer le Political Parties and Organisation Act, ce qui peut être fait par le Parlement », estime James Rwanyarare, de l’UPC, rejoint sur ce point par l’ancien ministre Jaberi Bidandi Ssali.
Acculé, Museveni tergiverse et freine de son mieux toute réforme. Il a d’autant plus de chances d’y parvenir que les quelque cinquante-trois partis d’opposition sont, à ce jour, bien incapables de proposer une alternative concrète.

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