À l’assaut du paysage audiovisuel tunisien

L’homme d’affaires Larbi Nasra lance la première chaîne de télévision privée du pays. Et compte sur les recettes publicitaires pour la faire prospérer.

Publié le 23 février 2004 Lecture : 3 minutes.

C’est fait. Après le Maroc, qui en compte déjà trois (Medisat, Atlas TV et Ma3), la Tunisie a sa première chaîne de télévision privée. Elle concurrencera les deux chaînes étatiques, jusque-là en situation de monopole. La libéralisation de l’audiovisuel a été promise par le président Zine el-Abidine Ben Ali le 7 novembre 2003. Une première radio privée a commencé à diffuser ses programmes ce même jour. En ce qui concerne la télévision, où l’investissement est plus lourd, plus de trois mois se sont écoulés avant la signature de la convention, le 13 février, entre Sadok Rabeh, ministre des Communications, Zine Amara, directeur général de l’information, et le promoteur de la chaîne, Larbi Nasra.
« Ce sera une chaîne généraliste de divertissement, axée sur la jeunesse, et émettant 24 heures sur 24 », confie ce dernier. Son nom n’est pas encore arrêté. Mais Nasr (« victoire ») et Carthage sont avancés. La diffusion commencera au plus tard en novembre 2004 sur le satellite Hotbird. La chaîne sera numérique. La langue qu’on y parlera sera essentiellement l’arabe tunisien, mais les jeunes animateurs pourront user du panachage linguistique. Côté programmes sont prévus des émissions pour les enfants et pour le public féminin, des jeux, des variétés, des feuilletons et des films, du sport, ainsi que des émissions culturelles. Des documentaires sur le tourisme pourront être diffusés, en plusieurs langues, vers l’Europe.
On évalue l’investissement à 20 millions de dinars (13 millions d’euros). À elles seules, les dépenses de diffusion sur Hotbird sont estimées à 1 million de dinars par an.
Les premiers travaux pour la construction des studios ultramodernes sur 700 m2 à la Soukra, dans la banlieue de Tunis, vont bon train. Ils sont financés sur fonds propres, même si est envisagé, plus tard, le recours aux banques.
Larbi Nasra compte récupérer sa mise grâce aux rentrées publicitaires étrangères, mais aussi tunisiennes. Il évalue le marché potentiel entre 70 et 80 millions de dinars, dont seulement 30 % vont actuellement à la télévision étatique tunisienne. Il a déjà choisi le directeur de la chaîne ainsi que les cadres techniques et administratifs, et lancé des offres d’emploi dans les journaux locaux. Il entend démarrer avec un effectif de 130 à 150 emplois permanents. « Je veux montrer, dit ce meneur d’hommes, qu’il y a des compétences tunisiennes capables de faire une chaîne de l’envergure des grandes comme TF1. »
Il y a un peu de Silvio Berlusconi chez Nasra. Ambitions politiques exclues, tous deux ont en commun le même bagout méditerranéen, et le fait d’avoir fait fortune dans les affaires et le négoce international avant d’investir leurs gains dans l’audiovisuel. Il cite surtout en exemple le milliardaire saoudien Saleh Kamel, qui a créé le groupe satellitaire arabe ART.
Né il y a une cinquantaine d’années dans une grande famille tunisoise, Nasra a roulé sa bosse un peu partout dans le monde. D’abord à Tunis où, après le lycée Sadiki et celui de Carthage, il a participé au lancement, à l’âge de 17 ans, de la première imprimerie offset du pays.
Par la suite, il mène une double vie d’artiste et d’homme d’affaires. Il apprend le piano et le oud avec le grand maître de la musique tunisienne, Ouannes Kraiem, s’essaie à la composition de chansons, édite des cartes postales avec le photographe Jacques Pérez. Mordu d’audiovisuel, il participe, à 18 ans, à la réalisation d’un documentaire sur le tourisme dans les îles Kerkennah. Puis il continue sur sa lancée hors de Tunisie.
On le retrouve dans le négoce international au Maroc, en Égypte, en France et dans bien d’autres pays. Il excelle dans la négociation des contrats au profit de grandes firmes internationales. Il y gagne beaucoup d’argent.
Mais son dada, c’est toujours l’audiovisuel. « Je supporte difficilement de rester assis plus de cinq heures dans un avion, mais je suis capable de passer plus d’une journée devant une console dans le noir d’un studio de télévision », affirme-t-il.
Au Caire, il fonde une société de production, Audio Visuel International Production (Avip). L’idée d’une chaîne satellitaire lui trottait dans la tête depuis cinq ans. Il s’apprêtait à la concrétiser dans la capitale égyptienne sur Nilesat, comme Cheikh Saleh. Mais, finalement, il s’est dit qu’il pouvait aussi bien monter son projet dans son pays natal. Et il a changé de cap, une manoeuvre à laquelle il est entraîné puisque ses hobbies sont le pilotage d’avion et de bateaux de plaisance.

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