Elle court, elle court la rumeur

Publié le 23 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Fruit de la bêtise, de l’ignorance ou de la médisance, la rumeur sur la nocivité du vaccin contre la poliomyélite a de très graves conséquences. Partie du Nigeria en août dernier, cette rumeur prétend que le produit immunisant les enfants du monde entier depuis sept ans contre la polio contient une substance les rendant stériles. Une éventualité que n’ont pu supporter les autorités musulmanes des États nigérians du Nord, qui ont immédiatement suspendu les campagnes de vaccination, sans autre forme de procès. Or cette région du pays était l’un des derniers réservoirs du virus.

Depuis le lancement de la campagne mondiale d’éradication de la polio, en 1996, les victoires sur la maladie se sont succédé. En 2004, seuls six pays (Nigeria, Inde, Pakistan, Niger, Afghanistan et Égypte) étaient encore considérés comme des « réservoirs » par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour David Heymann, responsable de la campagne d’éradication de la polio à l’agence onusienne, « tous les efforts entrepris s’effondrent ». Car du nord du Nigeria, le virus de la polio s’est étendu au sud, puis, compte tenu de la mobilité des populations, à sept pays d’Afrique centrale et de l’Ouest où la maladie était considérée comme éradiquée depuis 2000 (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Ghana, Côte d’Ivoire et Togo). Après l’annonce de la victoire sur la maladie, les autorités de ces pays avaient arrêté les campagnes d’immunisation systématique. Ce qui signifie que les enfants n’étaient plus, ou n’ont jamais été pour ceux nés depuis 2000, vaccinés. La vigueur retrouvée du virus pourrait donc faire des ravages au sein de cette population « vierge ».

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Il faut donc tout reprendre de zéro dans cette région, comme si la campagne en cours depuis 1996, et qui a permis, à l’échelle mondiale, de réduire le nombre de nouveaux cas de 255 par jour à 388 par an, n’avait jamais existé. À partir du 23 février et pendant trois jours, les équipes de l’OMS et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) vaccineront donc 63 millions d’enfants, si les parents répondent à l’appel des autorités. Une vaccination de masse qui est aussi la seule solution pour garantir un minimum de nouveaux cas et ne pas ruiner tous les efforts consentis. Pour Heymann, il s’agit d’un réel gâchis puisque le vaccin d’un seul coup incriminé a « déjà immunisé, avec succès, plus de 2 milliards d’enfants ». Il serait d’ailleurs dommage d’annuler les résultats obtenus depuis 1996, et qui devaient permettre, comme on le croyait encore en janvier dernier, d’annoncer l’éradication mondiale de la poliomyélite avant la fin de l’année. Espérons que l’échéance est simplement différée.

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