[Chronique] Maroc : arithmétique macabre autour de tourterelles
Une vidéo virale dévoile une quantité astronomique d’oiseaux abattus, au Maroc, par un groupe de chasseurs étrangers. L’opinion s’émeut, mais la loi a-t-elle été violée ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 19 août 2019 Lecture : 2 minutes.
Alors qu’à Genève, les militants de la cause animale viennent de se pencher sur les cas des éléphants et des girafes, à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), c’est le sort d’oiseaux migrateurs qui émeut les chaumières marocaines. Depuis quelques jours, une vidéo de chasseurs crâneurs a allumé le buzz.
La battue incriminée se serait déroulée dans les alentours de Marrakech. Les trappeurs pourraient être originaires du Golfe persique, si l’on en croit les « spécialistes » en accents de la langue arabe. Quant au gibier, il est composé de tourterelles, ces volatiles saisonniers qui naviguent entre l’Afrique et l’Europe, toujours via le Maghreb.
Si la vidéo est à ce point virale, c’est que la quantité des animaux abattus est colossale. Sur les images, aux pieds des chasseurs bravaches, ce sont des centaines de trophées d’oiseaux qui sont déversés de seaux, de sacs et de cartons. La statistique étant le ressort de l’indignation, des internautes choqués se demandent si ce carnage est légal.
Si la tourterelle fait l’objet de toutes les attentions, sa chasse est régulée et non interdite. Au-delà du statut de chacun de ces touristes qui mériterait d’être vérifié, l’arrêté portant ouverture, clôture et réglementation spéciale de la chasse pendant la saison en cours prévoit, par chasseur en règle, un quota de 50 tourterelles abattues au cours d’une même journée. Et les indignés marocains de se lancer dans une arithmétique toute scolaire…
Améliorer les contrôles et la sensibilisation
Le nombre de cadavres de colombidés visibles sur la vidéo polémique est avoué par leurs bourreaux : « 1490 » abattus au plomb au cours de la « matinée ». Une règle de 3 permet de déterminer le nombre de chasseurs qui homologueraient le carnage : une trentaine.
À supposer que ces effectifs ne soient pas contestés et que les chasseurs puissent être retrouvés, des amendes pourraient être réclamées
Après avoir croisé le décompte sur images avec des informations de la Fédération royale marocaine de chasse, le site 2M.ma affirme que le nombre de chasseurs n’aurait pas excédé 11. Un escadron qui aurait donc pu s’offrir, au maximum, la vie de « seulement » 550 tourterelles. À supposer que ces effectifs ne soient pas contestés et que les chasseurs puissent être retrouvés avant leur départ du territoire marocain – hypothèse déjà contredite, semble-t-il – , des amendes pourraient être réclamées.
Mais pour que ces excès prennent fin avant l’extinction de l’espèce trucidée, il conviendrait d’améliorer les contrôles effectués par les forces de l’ordre et les sociétés organisatrices de chasse touristique. À défaut, il reste la sensibilisation des chasseurs eux-mêmes : en ne respectant pas les quotas d’animaux à abattre, les touristes risquent d’exterminer leurs propres chances de chasser dans les années à venir. Le buzz n’est pas toujours l’ennemi du bien.
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