Bush sait aussi faire la paix

Lorsqu’elle ne s’appuie pas exclusivement sur la force militaire, la politique étrangère américaine enregistre de réels succès.

Publié le 23 février 2004 Lecture : 5 minutes.

Gendarme autoproclamé du monde, le président américain George W. Bush a parfois obtenu, ces derniers mois, de bien meilleurs résultats par la diplomatie et la persuasion que par la politique de la canonnière. Exemple le plus spectaculaire : le rapprochement indo-pakistanais. C’est en effet grâce aux pressions de l’hyperpuissance américaine que l’affrontement nucléaire a été évité entre les deux frères ennemis du sous-continent asiatique. L’Inde, après avoir été le fer de lance du mouvement des non-alignés, puis
l’alliée de l’URSS, a compris qu’elle devait s’entendre avec Washington pour jouer le rôle auquel elle aspire. L’Amérique, quant à elle, souhaite qu’un autre pays d’Asie contrebalance le géant chinois sans pour autant briser son alliance avec le Pakistan, l’un de ses rares alliés musulmans. Il fallait donc que les deux voisins, en conflit larvé sur le Cachemire depuis la partition de 1947, évitent au moins de se faire la guerre.
L’inquiétude de Washington face à la rivalité indo-pakistanaise est antérieure à l’arrivée au pouvoir de George W. Bush. Son prédécesseur, Bill Clinton, conscient de la menace nucléaire que représentent les deux pays, avait déjà qualifié la région de « point chaud de l’Asie » en 1999, voire d’« endroit le plus dangereux » du monde. La volonté des États-Unis de jouer les médiateurs a, dans un premier temps, déplu à l’Inde, qui craignait la partialité américaine. Puis, après les attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement d’Atal Behari Vajpayee a cru pouvoir gagner le soutien de Washington en insistant sur la menace terroriste islamiste qui sévissait au Cachemire. L’administration Bush n’a pas été insensible à cet argument. Le secrétaire d’État Colin Powell, mieux écouté que pour l’Irak, a donc multiplié les contacts avec les deux rivaux. Aujourd’hui, les diplomates américains peuvent se targuer d’avoir (presque) accompli leur mission, puisque les pourparlers ont débuté le 16 février entre les deux parties, y compris sur l’épineuse question du Cachemire (voir J.A.I. n° 2246).
Les États-Unis oeuvrent aussi, depuis deux ans, en faveur de la paix au Soudan, un pays figurant en bonne place sur la liste des « États terroristes » pour avoir hébergé Oussama Ben Laden de 1992 à 1996. Karl Rove, le conseiller politique de Bush, a même fait un voyage à Khartoum – lui qui ne quitte presque jamais les États-Unis. Le revirement est quelque peu étonnant quand on sait que Washington est allé jusqu’à bombarder une usine prétendument productrice de gaz toxique – ce qui s’est révélé faux – en 1998. En mai 2001, George W. Bush avait qualifié le Soudan de « désastre pour tous les droits de l’homme », notamment à cause de sa guerre contre le « Sud chrétien ». Outre le lobbying de groupes fondamentalistes américains, on peut penser que la manne pétrolière – estimée à au moins 1 milliard de barils – a encouragé le locataire de la Maison Blanche à s’impliquer de manière plus hardie dans ces négociations. Les compagnies pétrolières américaines préfèrent désormais forer le pétrole en Afrique plutôt qu’au Moyen-Orient, jugé peu sûr depuis le 11 septembre. Même si la Pax americana a l’odeur de l’argent, elle met fin à trente ans de conflit meurtrier – près de 2 millions de victimes.
Depuis Monroe et malgré Castro, l’Amérique latine reste la chasse gardée des États-Unis. Une région qui tour à tour se rebelle contre l’impérialisme américain ou en récolte les fruits. Dernier pays à avoir tiré profit de l’ingérence des États-Unis : la Colombie. L’administration Bush avait fortement soutenu la candidature d’Alvaro Uribe, finalement élu président en 2002. Grâce à l’appui « vital » des États-Unis, selon les termes du ministre colombien de la Défense, l’un des chefs de la guérilla, Ricardo Palmera, alias Simon Trinidad, a été arrêté au début de janvier en Équateur. Et le président Uribe d’égrener les résultats positifs en matière de lutte contre la criminalité : les homicides ont chuté de 20 % et les enlèvements de 32 % ! Reste que 18 000 guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) sont encore sur le pied de guerre et qu’ils détiennent toujours Ingrid Bétancourt, ex-candidate à la présidentielle…
Un peu plus près de ses frontières, au Mexique, « W » a marqué un point supplémentaire. En janvier 2004, il a obtenu le soutien du président Vicente Fox au sujet de ses propositions sur l’immigration – peut-être un futur thème de sa campagne présidentielle. Ainsi, des millions de travailleurs clandestins installés aux États-Unis devraient recevoir une carte de séjour provisoire.
Les États-Unis ont pu, de même, contenir pacifiquement les velléités nucléaires de la Libye (voir « Kiosque » p. 24), de la Corée du Nord et de l’Iran. Téhéran, approché par la troïka diplomatique européenne – Paris, Berlin et Londres – sous l’oeil indulgent de Washington, a finalement signé, en décembre 2003, le protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Un événement qualifié d’« historique » par la communauté internationale, mais considéré par l’administration Bush comme une simple « étape » vers la réconciliation… Quoi qu’il en soit, le « Satan » islamiste, qui s’opposait depuis 1979 à l’ordre « libéral et démocratique » préconisé par les États-Unis, s’écarte progressivement de l’axe du Mal.
La Corée du Nord, autre « État voyou » selon le Pentagone, n’en est qu’au balbutiement de la normalisation de ses relations avec Washington. Le régime de Kim Jong-il exige que les États-Unis le rayent de la liste des pays terroristes avant d’arrêter la production et les tests atomiques. Peut-être un signe encourageant. En tout cas, grâce à la politique de la carotte et du bâton (sanctions économiques, militaires et politiques), les États-Unis arrivent progressivement à leurs fins avec Pyongyang. Une intervention militaire n’aurait pu avoir que des conséquences catastrophiques, notamment pour la Corée du Sud voisine. La région, marquée par l’émergence de la Chine et les difficultés économiques du Japon, se situe sur un point d’équilibre trop précaire pour supporter une ingérence musclée de la part du gendarme américain.
Les partisans de George W. Bush font aussi valoir les aspects positifs de deux interventions armées, dont une délibérément préventive. En Irak, Saddam Hussein a été déchu. Mais à quel prix ! Plus de 99 milliards de dollars ont été dépensés, quelque 10 000 civils irakiens sont morts sous les bombes, plus de 400 soldats britanniques et américains ont été tués… Sans oublier l’ire des Arabes, humiliés par les images du dictateur capturé dans un « trou à rats ». En Afghanistan, les talibans ont disparu de la scène politique, et Kaboul semble débarrassé de ses relents extrémistes grâce notamment à l’adoption d’une nouvelle Constitution libérale au début du mois de janvier (voir J.A.I. n° 2247). Reste que le cerveau d’el-Qaïda, Oussama Ben Laden, et le mollah Omar n’ont toujours pas été débusqués. Quant aux femmes, elles se dissimulent toujours sous leur burqa, pour des « raisons de sécurité ».

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