Au pays des hommes

Succès phénoménal, en Italie, des frasques sexuelles d’une jeune fille de 17 ans. Entre érotisme et racolage.

Publié le 23 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Ce n’est pas un événement littéraire. Mais c’est, à coup sûr, un phénomène de société. Quand, au printemps 2003, Melissa Panarello, jeune Sicilienne inconnue, née près de Catane, âgée alors de 17 ans, proposa à plusieurs éditeurs, sous forme de journal intime, le récit presque naïf, mais pittoresque, de ses multiples expériences sexuelles, elle essuya un refus poli. Jusqu’au jour où une petite maison, Fazi Editore, s’aventura à le publier. Et ce fut la stupeur. Intitulé 100 colpi di spazzola prima di andare a dormire (« Cent Coups de brosse avant d’aller dormir ») et signé seulement Melissa P., le mince volume de 143 pages, au prix de 9,50 euros, se vendit en cinq mois à plus de 500 000 exemplaires et figure depuis juillet 2003 en tête des best-sellers de narrativa italiana. Des lycéens de Bologne, rapporte-t-on, se sont fait imprimer quelques passages corsés sur leurs tricots de corps, et à Monza, au cours d’un week-end, clients et clientes d’un supermarché n’ont pas glissé dans leurs chariots, entre bouteilles de mousseux et panettoni, moins de cent cinquante exemplaires du livre sulfureux.
D’abord restée anonyme, Melissa finit par ouvrir à quelques journalistes la porte de sa maison d’Aci Castello, où elle vit avec père et mère, plus une soeur de 11 ans, et d’où elle part le matin sur un vélomoteur trafiqué pour gagner en dix minutes son lycée classique de Catane, où elle n’obtient d’ailleurs que des résultats modestes, notamment en langue italienne.
Mais elle a, sur les Italiens, d’autres lumières. « Je sais qui m’achète, a-t-elle confié à l’hebdomadaire Panorama : je reçois de mes lecteurs cinquante à quatre-vingts courriels par jour, où j’achève de découvrir comment vivent l’éros mes compatriotes de tous âges. Les mâles de 20 à 35 ans sont tendres et solitaires, tandis que les femmes sont des harpies agressives et hypocrites. À partir de 45 ans, au contraire, hommes et femmes sont sages et libertins, non moralisateurs. Je me sens machiste. Je ne supporte plus ces femmes qui ne sont plus femmes et ont rendu les mâles si faibles qu’ils doivent se réfugier sur Internet. »
Pour sa part, elle contribue à les libérer dans la mesure de ses moyens, qui ne sont pas négligeables. Commencé dans un certain frémissement, le 6 juillet 2000, sous une reproduction de Gustave Klimt et un poster de Marlène Dietrich, son journal ne tarde pas à faire état, le 13, d’une première découverte : celle du mécanisme mâle, grâce à une fellation. Elle attendra un peu pour en savoir plus mais rattrapera vite, alors, le temps perdu. Le 3 décembre 2001, c’est mise à nu et les yeux bandés qu’elle fêtera ses 16 ans, du matin au soir, avec cinq partenaires.
Suivent, au fil des jours, des épisodes sadomasochistes, voire, à l’occasion, homosexuels. Après quoi, dans une sorte de rite de « purification », elle se donne « cent coups de brosse [à cheveux] avant d’aller dormir ». Sa formation érotique, avoue-t-elle, doit beaucoup à quelques lectures et, plus encore, à la pratique d’Internet. Son ordinateur, elle doit en suivre les émissions dans le garage parce que sa mère y voit « un instrument du diable ». Une scène de Matador, film classé X, la fit longtemps rêver : « Une chambre inondée d’une lumière rouge et, sur le divan, la belle Espagnole entièrement nue, le sexe bien en vue… Et lui, le Matador, qui l’observe tandis qu’elle se caresse avec une rose à la longue tige : rouge, ouverte et riche, avec un bouton caché entre les feuilles. Je voulais qu’elle partage avec moi, me prêtant au moins le bouton et la vue de l’homme qui allait la posséder. […] Cette virginité dont parle tout le monde comme d’un bien inestimable, je l’ai perdue un matin froid, dans une chambre en désordre. Elle me pesait comme un fardeau, c’était quelque chose dont je voulais me débarrasser pour jouir pleinement de la connaissance de moi. »
Comment ses parents ont-ils réagi ? « Ils ont lu les épreuves du livre avant publication et furent vraiment bouleversés », dit Melissa, précisant que sa mère voulait s’adresser à un avocat, avant qu’elle ne donnât son autorisation. « Ils m’ont demandé si ce que j’avais écrit correspondait à la vérité. Je dis que j’avais tout inventé alors qu’en réalité, loin d’inventer des choses, j’en ai omis quelques-unes. Aujourd’hui, bien qu’ils aient compris que je leur mentais, ils sont très fiers de moi. Ils y sont venus avec le succès du livre. »

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