Vos lettres ou courriels sélectionnés

Publié le 25 janvier 2006 Lecture : 8 minutes.

Colonisation : le pire et le meilleur
Est-ce une insulte que de dire à propos de la colonisation que beaucoup d’Africains réagissent plus par l’émotion que par la raison ? Peut-on honnêtement affirmer que tout était mauvais ?
Pourquoi aujourd’hui, en RDC, nombre des Congolais regrettent-ils paradoxalement l’époque coloniale ? Même s’il y avait alors une sorte d’apartheid dans nos villes avec des quartiers européens, asiatiques ou africains séparés.
S’il est évident que le vote en France d’une loi à ce sujet a été fort maladroit, il n’en demeure pas moins vrai que la colonisation a expurgé de l’Afrique pas mal de maux. Un demi-siècle après les indépendances, l’Afrique se porte-elle mieux ? À lire le rapport de l’ONU sur la criminalité (la grande et la petite) en Afrique, la corruption, les détournements, le sida, la concussion, etc., ont trouvé un terreau fertile pour proliférer.
Xavier Bitati (courriel)

Péan n’a rien dévoilé
Je suis révolté par la lettre de Michel Habimana (voir J.A.I. n° 2348) concernant le dernier livre de Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs. Non seulement les propos de Péan sont scandaleux, mais ils sont dénués de tout fondement. Son ignorance du Rwanda et de l’Afrique en général est flagrante. Le monde entier connaît le rôle que les grandes puissances, la France en particulier, ont joué dans le génocide. D’ailleurs les dossiers secrets sur ce sujet commencent à sortir de l’ombre. Pierre Péan n’a rien dévoilé ni prouvé quoi que ce soit.
Élie Legrand, Villeurbanne, France

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Talbi et Houellebecq
L’interview de Mohamed Talbi parue dans votre dernier numéro de 2005 (2346-2347) m’a impressionné par sa liberté de ton. Particulièrement lorsque Mohamed Talbi rejette la charia, car elle est, selon lui, le fruit d’initiatives humaines plus ou moins éclairées, mais aussi quand il dénonce les islamistes qui se disent démocrates pour accaparer le pouvoir et mettre en place des lois coercitives et répressives.
Je m’étonne cependant que Mohamed Talbi trouve sympathique le romancier Michel Houellebecq qui a déclaré que « l’islam est la religion la plus con de la terre ». Je trouve inapproprié ce vocable trivial dans la bouche d’un homme de lettres à propos d’une religion vieille de plusieurs siècles et qu’ont adoptée des centaines de millions de personnes à travers plusieurs continents.
Karim Kchouk, Tunis, Tunisie
Réponse : Mohamed Talbi prend cet exemple caricatural pour illustrer une idée-force, qu’il exprime d’ailleurs au même endroit : si on n’est pas libre de critiquer le message coranique, on n’est pas libre non plus de dire que c’est la vérité.

Danger charia !
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’interview de Mohamed Talbi (J.A.I. n° 2346-2347), pour lequel j’ai beaucoup d’estime. J’ai relevé cependant une petite contradiction dans le propos du professeur (c’est sans doute une incompréhension de ma part.) Il dit : « Ne me parlez pas d’islamistes qui jouent le jeu démocratique ! L’islamisme et la démocratie sont totalement inconciliables. Pour l’islamiste, le législateur, c’est Dieu. Et c’est tout. Pour un démocrate, la souveraineté appartient au peuple. Il y aura toujours cette pierre d’achoppement qu’est la charia. » Et plus loin : « Il [Tariq Ramadan] n’a jamais été clair sur le sujet. [] Quoi qu’il en soit, il a le droit de dire : je fais un parti pour que les Français revendiquent l’application de la charia en France. Comme on peut réclamer une loi autorisant le mariage homosexuel. Ou encore une loi qui autorise le mariage entre mère et fils. Pourquoi pas ? C’est une loi aberrante. Comme la charia est une loi que la majorité considère comme aberrante. Mais s’il y a une majorité pour l’application de la charia, je n’ai qu’à me taire. La souveraineté appartient au peuple. »
En acceptant que le peuple puisse choisir un parti islamiste (et donc la charia), la liberté ne risquerait-elle pas de s’en trouver directement atteinte ? Parce que la charia n’est pas seulement la légalisation de la polygamie (qu’on peut toujours ne pas choisir). C’est aussi une multitude d’autres lois qui vont à l’encontre de la liberté de conscience, comme par exemple la peine de mort pour l’apostat. Une loi autorisant la polygamie, la polyandrie, l’homosexualité ou l’inceste n’oblige personne à être polygame ou homosexuel En revanche, une loi condamnant l’apostat oblige et contraint les musulmans à épouser une certaine idée de l’islam.
Peut-on accepter l’idée qu’un parti réclamant l’application de la charia dans sa totalité puisse exister dans une démocratie ?
Sofiene, La Marsa, Tunisie

Sharon et le pardon
Mon intérêt s’est focalisé sur le testament du « Boucher de Sabra et Chatila » rapporté par B.B.Y. dans son éditorial (voir J.A.I. n° 2349). Je suis de confession catholique, donc très enclin à la compassion. C’est pourquoi j’espère qu’Ariel Sharon pourra se relever et demander pardon pour tout le mal qu’il a fait à l’ensemble de la région. J’ai toujours eu du mal à voir en lui un homme de paix dans ce Proche-Orient que j’ai étudié en faculté.
La région souffre de la présence de deux ultranationalistes : Ariel Sharon, qui est en train de quitter la scène, et le « petit idiot » de Washington. Et tant que ce dernier sera à la Maison Blanche, il sera difficile d’imaginer une paix durable au Proche Orient.
Francis Belibi, Yaoundé, Cameroun

Arafat : quelle « faute historique » ?
Pour moi, il est clair que la disparition politique d’Ariel Sharon et une occasion de relancer le processus de paix au Proche-Orient. Dans son dernier éditorial (J.A.I. n° 2349), Béchir Ben Yahmed souligne à juste titre qu’il est « le seul homme politique israélien à avoir refusé de signer ou d’approuver tous les accords de paix conclus par son pays avec les Palestiniens ou les pays arabes voisins ». Ailleurs, dans le même numéro, Patrick Seale rappelle utilement qu’il ne s’est débarrassé de Gaza que « pour renforcer sa mainmise sur la Cisjordanie et parquer les Palestiniens réduits à l’impuissance dans des enclaves [] ».
Là où je suis moins B.B.Y., c’est quand, dans le même éditorial, il parle de la « faute historique d’Arafat » en l’an 2000. Fait-il allusion aux négociations de Camp David, où le président palestinien s’est vu contraint de refuser les propositions israéliennes ?
Leila Lemaire, Paris, France
Réponse : Ceux qui suivent les évolutions du conflit israélo-palestinien et en connaissent les arcanes sont d’accord sur ce qui suit :
1. Ce qui a été proposé à Yasser Arafat et à sa délégation lors du sommet de Camp David ne pouvait être accepté, et ils ont eu raison de refuser un accord sur cette base.
2. En revanche, les propositions faites six mois plus tard, le 23 décembre 2000, par le président des États-Unis de l’époque, Bill Clinton, et qui allaient beaucoup plus loin, donnaient aux Palestiniens l’essentiel de ce pour quoi ils se battaient depuis plusieurs décennies.
Bill Clinton, qui était à la fin de son second mandat et espérait être l’homme dont l’Histoire aurait retenu qu’il avait mis fin aux conflits israélo-palestinien et israélo-arabe, méritant ainsi le prix Nobel de la paix, a réussi à faire accepter ses propositions par le Premier ministre israélien de l’époque, Ehoud Barak. C’était inespéré, maximal.
En n’acceptant pas ces propositions, ou seulement avec beaucoup de réserves, Arafat a manqué une occasion historique de réaliser, pour lui-même et pour son peuple, les objectifs de leur très long et très coûteux combat.
C’est là, à mes yeux, une faute historique irréparable. Il suffit de voir où en sont les Palestiniens, cinq ans et plusieurs milliers de morts après, pour s’en convaincre.
B.B.Y.

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Nucléaire : qui décide ?
Il y a au Moyen-Orient deux États qu’on peut qualifier d’États voyous. L’un, Israël, possède suffisamment d’armes de destruction massive pour mettre la région à feu et à sang, et personne, pas même l’AIEA, ne semble s’en inquiéter. L’autre, l’Iran, en revanche, n’est pas autorisé à s’équiper de telles armes. Sur la forme, la politique iranienne est inacceptable. Sur le fond, on ne peut pas dénier à l’Iran le droit de se défendre. Par qui et sur quels critères certains États sont autorisés à posséder l’arme nucléaire alors que d’autres en sont empêchés ?
J. Michel Baryla, Puteaux, France

Mettre fin aux dictatures
Comme tout le monde, je me réjouirais du jugement de Hissein Habré. Ce jugement serait un signe qui marquerait la fin de l’impunité en Afrique et pourrait servir de leçon aux dirigeants qui continuent régner sans se soucier du sort de leur peuple.
Mais, pour que soit mis fin aux dictatures qui empêchent toute évolution du continent, la communauté internationale et la France en particulier devraient cesser d’envoyer des messages de soutien à ces tyrans qui, par des élections manipulées et des coups de force, s’éternisent au pouvoir.
Simplice Tezokong, Bruxelles, Belgique

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Guinée : un pays à part
Au moment où le Togo, la Sierra Leone et le Liberia n’ont pas encore fini de maîtriser leurs brasiers, au moment où la Côte d’Ivoire se demande comment retrouver la paix après avoir versé tant de sang, Lansana Conté et son clan continuent de conduire la Guinée vers la pire des guerres civiles Depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, Sékou Touré le dictateur et Lansana Conte le falot ont constamment cultivé la haine de tout ce qui incarne le progrès. 2006 sera certainement une autre année de complots fabriqués de toutes pièces pour se débarrasser de tous ceux et celles qui incarnent le changement tout en dénonçant de prétendus soutiens extérieurs. Comme si cette rengaine allait donner l’eau et l’électricité ne serait-ce que dans le centre-ville de Conakry.
Barry Sadigou, Université Laval, Québec, Canada

Pauvres hôpitaux africains
J’ai beaucoup apprécié le « Ce que je crois » de B.B.Y. sur Ariel Sharon (n° 2349). Comme a dit Françoise Giroud au sujet de Jacques Chaban-Delmas, « on ne tire pas sur une ambulance ». Au-delà de l’émotion qui a touché et tenu en haleine nombre d’Algériens et d’Afro-Arabo-Amazighs sur la santé d’Abdelaziz Bouteflika, il serait temps de se poser les bonnes questions, ou plutôt la bonne question : quid des hôpitaux et du système de santé dans les pays du Sud ? Bon nombre de nos princes ont fait le choix étrange de pousser leur dernier souffle loin de leurs terres, qui leur sont si chères, paraît-il. Chaque année qui passe les voit s’envoler précipitamment pour tenter d’échapper inexorablement à leurs destins : animistes, chrétiens, incroyants et musulmans, tous délaissent le très peu d’hôpitaux en piteux état bâtis durant leurs décennies de pouvoir absolu.
Bientôt cinquante ans d’indépendance, et on dépense encore des sommes folles dans les avions médicalisés et dans les évacuations sanitaires. La Tunisie de Bourguiba et de Ben Ali est certes décriée tous les jours sur le terrain des droits de l’homme, mais force est de reconnaître que très peu en Afrique arrivent à faire comme elle sur le plan de la santé, avec un système tellement performant que même des Européens viennent y subir les soins les plus modernes. Pendant ce temps, nombre de nos frères et surs africains, médecins généralistes ou spécialistes, jouent les infirmiers ou les pompistes en France, alors qu’ils pourraient, si certaines conditions étaient réunies, apporter leur science à un continent où il faut parfois faire des centaines de kilomètres pour recevoir une petite dose de Quinimax. Quand il y en a, bien sûr !
Obambé Gakosso, Gisors, France

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