Une ère nouvelle

Malgré les difficultés qui l’attendent, Ellen Johnson-Sirleaf incarne, pour son peuple, l’espoir de lendemains meilleurs.

Publié le 25 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Les présidents Olusegun Obasanjo, Thabo Mbeki, John Kufuor, Faure Gnassingbé, Abdoulaye Wade, Ahmad Tejan Kabbah, Mamadou Tandja ou encore Blaise Compaoré, mais aussi la première dame des États-Unis, Laura Bush, ou la secrétaire d’État Condoleezza Rice La première femme élue chef d’État d’un pays africain a réuni, le 16 janvier, à Monrovia, tout le gotha de la politique africaine et internationale lors de son investiture.
Vêtue d’un ensemble et d’un turban couleur crème, la main sur la Bible, Ellen Johnson-Sirleaf, 67 ans, élue le 8 novembre, a été saluée par un tonnerre d’applaudissements et de hourras au cours de la cérémonie organisée pour sa prise de fonctions. « Mummy » – comme l’ont affectueusement rebaptisée les Libériens du fait de ses airs de gentille vieille dame à lunettes – a été à la hauteur des espoirs que son élection a fait naître, tant pour son peuple que pour la communauté internationale, qui l’a considérablement soutenue.
« Il est temps pour nous, quelles que soient notre affiliation politique ou nos convictions, de nous rassembler pour guérir et reconstruire notre pays », a-t-elle déclaré. Une ère nouvelle s’ouvre, donc.
Les défis qui attendent l’ancienne économiste de la Banque mondiale, diplômée de Harvard, ancienne ministre, deux fois emprisonnée pour s’être opposée à l’ex-dictateur Samuel Doe, sont immenses. Ellen Johnson-Sirleaf hérite d’un pays exsangue : il n’y a ni eau potable, ni électricité, ni système éducatif, ni infrastructures de santé. Le taux de chômage atteindrait la barre de 80 %. Quant à la dette, elle s’élève à 2,9 milliards de dollars.
« Mummy » ne dispose, en outre, que d’un budget annuel d’environ 80 millions de dollars, un montant trois fois et demie inférieur à celui de l’aide internationale accordée au pays. La tâche s’annonce d’autant plus ardue que les principales ressources libériennes, le bois et les diamants, tombent sous le coup de sanctions internationales.
La stabilisation n’est possible que si la mobilisation des bailleurs de fonds se maintient dans la durée. L’application effective du Gemap, le plan de mise sous tutelle des finances du Liberia pour lutter contre la corruption endémique qui a ruiné le pays, pourrait restaurer la confiance des donateurs et permettre à Monrovia de bénéficier du mécanisme de réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE).
En outre, la nouvelle présidente devra composer avec un certain nombre de paramètres politiques internes. Les élections au Parlement de Jewel Howard-Taylor, Edwin Snowe, Adolphus Dolo, Saah Richard Gbollie et Prince Johnson, tous accusés de crimes de guerre et d’atteintes aux droits de l’homme, ont offert l’immunité parlementaire à ces personnages sulfureux. Une inconnue persiste également: l’attitude du Congrès pour le changement démocratique (CDC), le parti de George Weah, première force politique du pays avec 18 sièges. Va-t-il prendre part au nouveau gouvernement ?
Reste aussi le problème Charles Taylor. En juillet 2005, les dirigeants libérien, guinéen et sierra-léonais ont affirmé de concert que l’ancien chef de guerre restait une menace pour la région et qu’il avait encore toutes les cartes en main pour troubler la stabilité politique en gestation. La gestion du cas de l’ancien homme fort de Monrovia, exilé au Nigeria depuis 2003, s’annonce donc elle aussi délicate. La communauté internationale réclame son extradition vers le Tribunal spécial de l’ONU en Sierra Leone, où il est poursuivi pour crimes contre l’humanité.
Après un premier refus, le président Obasanjo s’est dit disposé à étudier la question si la présidente élue lui en faisait la demande. « Nous réfléchissons à une solution qui préservera la paix au Liberia et en Afrique de l’Ouest », a rétorqué Ellen Johnson-Sirleaf.

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