[Tribune] G7 : il n’y aura pas de révolution durable sans féminisme

À la veille du sommet du G7 en France, la jeune activiste tunisienne Aya Chebbi souligne l’opportunité que ce rendez-vous représente pour s’attaquer aux inégalités femmes-hommes, notamment au niveau législatif, et grâce à l’implication inédite de chefs d’État africains.

Une activiste défilant dans les rues d’Hendaye contre les discriminations, jeudi 22 août 2019, à la veille du G7 (image d’illustration). © Bob Edme/AP/SIPA

Une activiste défilant dans les rues d’Hendaye contre les discriminations, jeudi 22 août 2019, à la veille du G7 (image d’illustration). © Bob Edme/AP/SIPA

Aya Chebbi_Portrait
  • Aya Chebbi

    Féministe panafricaine, Aya Chebbi est devenue une blogueuse mondialement connue pendant la révolution tunisienne entre 2010 et 2011. Elle est aujourd’hui émissaire pour la jeunesse de l’Union africaine.

Publié le 23 août 2019 Lecture : 4 minutes.

Près de dix années se sont écoulées depuis le début de ce que nous appelons la révolution de la dignité, qualifiée par beaucoup de « Printemps arabe ». J’en faisais partie. Nous étions en colère, nous demandions un avenir dans lequel nous pourrions réaliser nos rêves. Notre combat était aussi un combat pour nous faire entendre, car nos idées et nos espoirs n’étaient pas représentés au sein de nos gouvernements. Même si les protestations ont évolué d’un pays à l’autre et ont eu des résultats différents, ça ne fait aucun doute : la jeunesse a changé le cours de l’histoire.

De nombreuses jeunes femmes ont été au premier rang de ce mouvement. Leur implication est allée au-delà de leur participation aux manifestations. Que ce soit en tant qu’organisatrices, journalistes ou militantes politiques, les jeunes femmes sont devenues des cheffes de file du cyber-activisme. Avant de devenir émissaire de l’Union africaine pour la jeunesse, j’étais l’une de ces femmes. Nous avons profité de cet élan pour faire entendre nos voix au reste du monde.

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Une pauvreté sexiste

Prenez la situation actuelle au Soudan : le pays commence tout juste à se défaire des décennies passées de dictature. Ce sont majoritairement les femmes qui ont appelé au soulèvement pacifique contre la junte militaire. Ce n’est pas une coïncidence. Les femmes ont toutes les raisons de parler haut et fort et réclamer ce qui leur appartient. Nous n’avons toujours pas les mêmes droits, loin de là.

La plupart des pays dans le monde limitent même les opportunités économiques des femmes jusque dans leurs lois. Plus de 100 pays vont même jusqu’à interdire l’accès des femmes à certains métiers, et il existe 18 pays où les hommes peuvent légalement empêcher leurs femmes de travailler. Les femmes et les filles sont plus durement touchées par les inégalités dans les pays les plus pauvres. En somme, la pauvreté est sexiste. Alors évidemment que les femmes descendent dans la rue. Il n’y aura pas de révolution durable sans féminisme.

Au rythme actuel où vont les choses, il faudrait attendre en moyenne encore 108 ans avant d’atteindre l’égalité de genre dans le monde

Non pas que l’argument juridique ne soit pas une raison suffisante, mais ce n’est pas seulement une question de justice. Il est absurde de laisser la moitié de la population de côté si l’on souhaite voir une société égalitaire. Les filles et les femmes sont le meilleur levier pour mettre fin à l’extrême pauvreté, une bonne fois pour toutes.

Au rythme actuel où vont les choses, il faudrait attendre en moyenne encore 108 ans avant d’atteindre l’égalité de genre dans le monde. Qu’est-ce qui nous empêche de changer la donne pour les femmes et les filles ? Malheureusement, les rouages de la politique évoluent lentement.

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Des paroles et des actes

Parfois, un élément déclencheur est nécessaire pour que les choses commencent à changer pour le mieux. Cela pourrait avoir lieu ce week-end quand Emmanuel Macron accueillera ses homologues au sommet du G7 à Biarritz. Le président français a placé la lutte contre les inégalités au cœur de l’agenda du sommet – avec un accent porté sur l’égalité de genre.

Si l’on regarde la rhétorique employée par les dirigeantes et dirigeants par le passé, on pourrait avoir l’impression que l’égalité des droits entre les femmes et les hommes est à portée de main. Ceux-ci ne cessent de souligner l’importance d’améliorer la situation des femmes et des filles. Mais ce ne sont souvent que des belles paroles. Et les mots ne suffisent pas. Ce sont les actes qui comptent. Nous devons tous et toutes exiger des réels progrès, plus de simples promesses.

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Cela va sans dire qu’un sommet ne changera pas la face du monde en un clin d’œil. Mais il peut être la première pierre du grand édifice sur lequel l’égalité entre les femmes et les hommes reposera. Pour la toute première fois, le G7 n’a pas seulement invité des dirigeants africains pour la traditionnelle photo de famille et quelques poignées de main, mais les a réellement impliqués tout au long du processus de négociation. C’est un fait totalement inédit et une belle opportunité pour amorcer un dialogue ouvert et pour encourager les citoyens à demander des comptes à leur gouvernement.

Un G7 décisif

Si les dirigeant.e.s ont la réelle volonté de faire progresser l’égalité de genre, ils doivent s’engager à mettre de l’argent sur la table, à abolir leurs lois sexistes et à adopter des politiques progressistes, mais aussi à mettre en place un nouveau mécanisme de suivi et de redevabilité pour tous les engagements pris en matière d’égalité femmes-hommes.

Le sommet de Biarritz sera décisif pour l’avenir du G7. Historiquement, sa légitimité reposait sur la coopération internationale, les décisions conjointes et l’initiation de processus internationaux. Cette année, les dirigeant.e.s devront répondre présents avec des progrès et non des promesses pour les droits des femmes. Nous n’attendrons pas 108 ans de plus.

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