Tunisie : la Siape a finalement fermé à Sfax, et après ?

La fermeture, effective depuis une semaine, de l’usine de transformation de phosphate appartenant à la Siape (Groupe chimique tunisien, GCT) doit être le coup d’envoi d’une reconfiguration industrielle et environnementale d’une large zone urbaine de Sfax, la deuxième ville du pays.

Le port de Gabès. Comme Sfax, la ville est touchée par les activités du Groupe chimique tunisien © Sebastian Castelier/SIPA

Le port de Gabès. Comme Sfax, la ville est touchée par les activités du Groupe chimique tunisien © Sebastian Castelier/SIPA

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Publié le 22 août 2019 Lecture : 3 minutes.

« Les 210 hectares accueilleront notamment un technopôle, un centre de recherche, une zone verte et un centre sportif. Il s’agit dorénavant de s’inscrire dans une industrie 4.0 soucieuse de l’environnement », promet à Jeune Afrique Slim Feriani, ministre de l’Industrie. Étalés sur trois ans, les travaux, élaborés avec le Groupe chimique tunisien, sont estimé à 75 millions de dinars (23,6 millions d’euros). L’arrêt de l’usine doit aussi accélérer la construction du vieux projet immobilier et touristique Taparura qui n’en finit pas de voir le jour.

Depuis le début des années 2000, les habitants de Sfax demandaient le démantèlement de l’usine à cause de la pollution. Située à 4 km du centre-ville, en pleine zone urbaine, le site spécialisé dans la fabrication de Triple phosphate supérieure (TSP) rejetait des fumées acides dans l’air et produisait du phosphogypse, déchets industriels riches en acide fluorhydrique très toxique et légèrement radioactifs. En 2008, le cabinet Comete engineering avait estimé la dégradation environnementale due à l’usine à 683 millions de dinars (214,6 millions d’euros).

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« L’usine a déversé 30 millions de tonnes de phosphogypse. On applaudit cette décision, surtout qu’il s’agit d’une décision écrite, opposable devant les tribunaux. Car nous n’avons aucune confiance dans le Groupe chimique tunisien et une confiance limitée dans le gouvernement. Tant que la cheminée du site ne sera pas démontée, nous resterons vigilants », prévient Hafedh Hentati, figure du Collectif de l’environnement et du développement de Sfax, à la pointe du combat contre l’usine de la Siape.

Le TSP très demandé à l’exportation

La production de TSP, très demandée à l’exportation, ne sera pas abandonnée mais répartie sur les autres usines du groupe. Sur le plan social, Slim Feriani assure que les 363 employés  seront tous recasés dans des sites du GCT installés à proximité. Condition sine qua non pour que le syndicat majoritaire UGTT accepte la fermeture, même si une frange minoritaire refuse les solutions de replacement proposées jusqu’ici.

« Des moyens de transport seront mis à disposition pour les salariés s’il y a besoin », détaille le ministre qui assure que le volet social a été une des priorités des discussions au même titre que l’environnement. Ce dernier mise sur les nouvelles activités attendues pour créer « des milliers d’emplois directs et indirects ».

Cette fermeture avait été annoncée officiellement au printemps 2017 par le Premier ministre, Youssef Chahed, après une visite sur place. « Il a fallu ces deux ans pour échelonner les fermetures des différentes unités de l’usine et pour s’assurer que personne ne perdrait son emploi », explique Slim Feriani.

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Le tour de Gabès

Militant écologiste de Gabès, ville davantage touchée par la pollution du phosphate que Sfax dont elle est éloignée de 140 km, Khayreddine Debaya « ne peut être que satisfait de cette décision, fruit d’une coordination de la société civile de la région ».

Il rappelle cependant, qu’en 2017, le gouvernement avait aussi promis à Gabès l’arrêt du rejet de phosphogypses dans la mer – responsable de la pollution des seules oasis maritimes en Méditerranée – et de la fermeture des unités qui ne respecteraient pas les normes environnementales internationales. Mais rien n’a changé. « Peut-être que le gouvernorat de Sfax est plus peuplé et plus stratégique pour les élections [Youssef Chahed est candidat à l’élection présidentielle] à venir que le gouvernorat de Gabès », justifie-t-il ironiquement.

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Durant les sept premiers mois de l’année 2019, selon l’Institut national de la statistique, les exportations de phosphate tunisien ont grimpé respectivement de 22,7 %, contribuant à étoffer les réserves de devises.

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