[Tribune] Algérie : le salut par le Sud
L’Algérie doit faire du sud de son territoire et de l’aménagement de ce dernier l’instrument de son décollage économique, s’ouvrant à l’Afrique de l’Ouest notamment grâce au projet de la route transsaharienne.
Depuis le 22 février, l’Algérie écrit une nouvelle page de son histoire, assumant sa part de paradoxe : d’un côté, poser un nouvel acte en rupture totale avec son histoire politique récente ; de l’autre, s’inscrire dans la continuité de sa lutte pour l’indépendance. Lors de la négociation des accords d’Évian – signés en 1962 – , Krim Belkacem s’était montré intraitable sur la question du Sud. Pas question d’accéder au souhait de la délégation française, qui voulait détacher le Sahara du nord de l’Algérie. Aujourd’hui, c’est en partie ce Sahara qui fait de l’Algérie le dixième pays le plus vaste de la planète et qui lui permet de s’enfoncer jusqu’au cœur de la zone sahélo-saharienne.
Le transsaharienne en voie d’achèvement
En 1964, à l’initiative de l’ONU, plusieurs pays, dont l’Algérie, le Mali et le Niger, se réunissaient afin de réfléchir à la construction d’une route transsaharienne de 4 600 km qui relierait Alger à Lagos, au Nigeria. Le premier tronçon – 350 km – fut inauguré en 1973 entre El Golea et Aïn Salah. Près d’un demi-siècle plus tard, le projet est en voie d’achèvement. La partie algérienne de la route transsaharienne traverse cinq wilayas et onze agglomérations. Et permet de relier le nord du pays, où se trouvent les grandes villes et les industries, au sud, où sont extraits les hydrocarbures. Dans la partie septentrionale, le nouveau port-centre, à Cherchell, a vocation à devenir la porte d’entrée de la transsaharienne.
Ce projet reste méconnu, sûrement parce que, depuis trente ans, l’Algérie n’a pas de vision claire et définitive de l’aménagement géostratégique et économique de son territoire
Dans la conjoncture actuelle, sa construction semble gelée, alors qu’il s’agit certainement du projet le plus stratégique de l’histoire de l’Algérie indépendante depuis la nationalisation des hydrocarbures en 1971. Les infrastructures portuaires restent malheureusement les parents pauvres des investissements publics. Cela pèse considérablement sur les coûts logistiques. Et par conséquent sur les échanges entre l’Algérie et ses partenaires. À titre de comparaison, quand Tanger Med, au Maroc, fait deux cent cinquante mouvements par jour, le port d’Alger n’en fait que douze.
L’Algérie revendique d’avoir déjà mobilisé 3 milliards de dollars pour la partie de la transsaharienne qui la concerne. Pourtant, en dehors de certains cercles d’initiés, ce projet reste méconnu, sûrement parce que, depuis trente ans, l’Algérie n’a pas de vision claire et définitive de l’aménagement géostratégique et économique de son territoire. Si la saturation de la bande littorale est souvent dénoncée, aucune tentative sérieuse de rééquilibrage vers le sud n’est menée à bien. Les projets de villes nouvelles tels que ceux de Boughezoul ou de Hassi Messaoud sont quasiment à l’arrêt, après avoir englouti des millions de dollars en études et en débuts de travaux.
Au fond, il semblerait que le régime ait jusqu’ici confondu politique d’équilibre régional et aménagement du territoire. L’une répond à un souci de préservation de la paix sociale à la faveur d’une répartition plus ou moins équitable de la rente, l’autre à la recherche de l’efficience au profit du développement du pays. Car le véritable centre géographique du pays n’est pas dans le Tell ni dans les hauts plateaux, mais à Aïn Salah, dans le Tidikelt.
Ouverture vers le marché ouest-africain
L’Algérie doit faire de son territoire et de son aménagement l’instrument de son décollage économique. Le Sud algérien, grâce aux wilayas de Biskra et d’El Oued, est en train de devenir le potager du pays. Demain, en usant d’une exploitation raisonnée de la nappe aquifère et de ses 50 000 milliards de mètres cubes d’eau, les wilayas traversées par la transsaharienne peuvent devenir des pôles agro-industriels de premier ordre et attirer ainsi investissements et main-d’œuvre en quête de travail. Les produits issus de ces wilayas pourraient ensuite prendre le chemin du nord mais aussi du sud, et rejoindre le marché ouest-africain, qui sera bientôt fort de 400 millions de consommateurs, et amorcer enfin le décollage des exportations hors hydrocarbures.
Tamanrasset doit devenir la porte d’entrée de ce gigantesque marché subsaharien que le monde entier commence à regarder avec intérêt
Tamanrasset doit devenir la porte d’entrée de ce gigantesque marché subsaharien que le monde entier commence à regarder avec intérêt. Dans l’optique de l’achèvement de la transsaharienne, cette ville devra être dotée d’un immense port sec permettant le stockage, le transbordement et le dédouanement des marchandises. Mais au-delà de l’intermodalité, c’est le développement de la ville, par l’adjonction d’une zone économique spéciale, qui devra être réalisée afin que Tamanrasset devienne la grande ville industrielle du Sahara.
Le projet du nouveau port-centre doit être mené à son terme. Associé à la transsaharienne, il permettra à l’Algérie de faire de sa position géostratégique unique, au centre du Maghreb et au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et de la Méditerranée, le socle de sa révolution économique.
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