Pékin insatiable

Publié le 24 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

La diplomatie chinoise du « carnet de chèques » fait des merveilles sur le continent. La tournée africaine, du 11 au 19 janvier, du ministre chinois des Affaires étrangères, Li Zhaoxing, en a encore une fois apporté la preuve éclatante. Une tournée savamment préparée respectant les équilibres géographiques continentaux sans jamais négliger les intérêts stratégiques de l’empire du Milieu (Cap-Vert, Sénégal, Mali, Liberia, Nigeria et Libye). « Nous sommes prêts à travailler avec les nations africaines [] pour renforcer la coopération dans de nombreux domaines, notamment celui de l’exploration énergétique », a déclaré le chef de la diplomatie. Voilà qui a le mérite de la clarté. Dopée par une croissance à deux chiffres depuis plus d’une décennie, l’économie chinoise semble frappée d’une boulimie irrépressible : coton, bois, cacao, acier, aluminium, phosphate, fer, manganèse et, surtout, pétrole.
À Praia, Pékin a cherché à renforcer ses liens avec l’axe lusophone emmené par le Portugal, le Brésil mais aussi l’Angola. Moyennant 2 milliards de dollars, consacrés au financement d’infrastructures dans les hydrocarbures, la Chine est devenue le deuxième acheteur de brut angolais, derrière les États-Unis. Le groupe chinois Sinopec a obtenu une nouvelle licence d’exploitation tandis que les relations commerciales entre les deux pays ont plus que doublé depuis 2003. À Dakar, Cheikh Tidiane Gadio, ministre sénégalais des Affaires étrangères, et son homologue chinois ont signé l’accord sur la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays, annoncée en octobre dernier, au détriment de Taiwan.
« Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts », explique le président Abdoulaye Wade, reprenant la célèbre phrase du général de Gaulle. Les planteurs de coton sénégalais, malmenés par les subventions américaines, vont peut-être tirer profit du textile chinois. En attendant, les chaussures à bas prix, l’électroménager pas cher et les jouets bon marché font un malheur dans la capitale sénégalaise. « Cette concurrence est déloyale », proteste Mamadou Lamine Niang, président de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar.
Au Mali, il y a aussi du coton, mais surtout un gros potentiel en termes d’infrastructures. Dans l’immédiat, Bamako a dû se contenter d’un don de 3,6 millions de dollars. Li Zhaoxing s’est ensuite rendu à Monrovia pour assister à l’investiture de la nouvelle présidente, Ellen Johnson-Sirleaf. Après quatorze années de guerre civile, le Liberia est appelé à se reconstruire, offrant de nombreuses opportunités, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. « Dans ce secteur, les Européens ne peuvent plus résister, reconnaît Anthony Bouthelier, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian). D’autant que nous ne sommes pas à armes égales », faisant allusion aux tâcherons venus directement de Chine, cachés dans des cahutes derrière les chantiers.
Au Nigeria et en Libye, Pékin est tout simplement en train de bouleverser la donne. Premier producteur d’or noir en Afrique, le Nigeria a réalisé, début janvier, la plus importante transaction privée sur le continent (voir J.A.I. n° 2349) avec la compagnie China National Offshore Oil Corp. (Cnooc), qui a investi 2,3 milliards de dollars pour obtenir un champ pétrolier dans le Delta du Niger. « Cnooc veut explorer d’autres possibilités sur le continent », prévient la direction de la compagnie. Le message a été entendu à Tripoli, qui, pour l’instant, a surtout traité avec les Américains. L’Afrique représente désormais le quart des approvisionnements chinois en pétrole. Tous secteurs confondus, les échanges commerciaux sont passés de 10 milliards de dollars en 2000 à quelque 40 milliards en 2005. Et Pékin entend porter ce chiffre à 100 milliards d’ici à cinq ans.

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