Le soleil noir

Sillonnant le pays, Stéphane Lagoutte part à la découverte des lieux et des populations. Résultat : un ouvrage d’ombre et de lumière.

Publié le 24 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

« Tout m’est apparu tellement sombre. Dans ce pays, baigné de soleil, j’ai découvert une aveuglante lumière noire. » Parfois le soleil écrase tout, un vol d’oiseau à l’horizon de l’océan transperce le ciel blanc, les boubous roses parsèment le paysage, le sable ocre du désert envahit la page et ses grains semblent venir se poser sur le canapé de celui qui parcourt le premier livre du photographe Stéphane Lagoutte : Mauritanie, lumière noire. Mais c’est surtout l’opacité de la terre, l’amas de gravats, les épaves en ruines, le bleu foncé du minerai de fer, les murs baignés d’ombre et les visages noirs qui sautent aux yeux.
Stéphane Lagoutte voulait rendre « l’aridité visible », il est finalement parvenu à montrer des hommes et des femmes aux confins de deux mondes, entre Algérie et Sénégal, perdus entre immensité désertique et horizon atlantique.
Pour son premier grand reportage en Afrique, le jeune photographe, lauréat du prix de la Fondation Lagardère, voulait explorer un lieu-frontière : entre Maghreb et Afrique noire. Les visages devaient signifier la dureté de la société mauritanienne, les paysages montrer la réalité de la discrimination entre Arabes et Noirs, la photo rendre l’histoire de siècles d’esclavage.
Lors d’un précédent reportage réalisé en Île-de-France sur les logements précaires, il a rencontré un Mauritanien réfugié, ancien professeur devenu vigile, qui lui a longuement raconté son parcours, la beauté et l’horreur de son pays d’origine.
Une envie d’aller voir. Finalement, c’est une société bien plus complexe que l’auteur a découverte, avec ses subtilités et son désespoir. « Je me suis senti bien là-bas. On y est en sécurité, mais la désillusion vient de ce qu’on sent qu’il n’y a pas d’issue à ce rêve d’entente communautaire », explique-t-il.
Les contrastes saisissants de ses photos, le grain de la pellicule, la tristesse parfois qui se dégage d’un regard, semblent signifier qu’il faut aller gratter derrière, comprendre que les très belles images rapportées ne sont qu’une toute petite facette de cette infinie réalité. « J’aurais voulu te suivre et me perdre, écrit le photographe dans le texte qui accompagne, à la fin du livre, ses photos. Si j’avais pu me convaincre que ce n’était pas vain. Si j’avais pu savoir où tu allais. »
Lagoutte est retourné à Nouakchott en novembre dernier, pour assister à l’exposition de ses photos au centre culturel français. Il a cru voir se lever un vent nouveau, une volonté d’agir, une liberté d’expression qui permet aux dissidents de se raconter dans la rue. En attendant que les autorités réalisent leurs promesses, qu’une grande respiration fasse vivre le pays, il faut se laisser happer par la poussière et les clichés du photographe.

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