Edition gagnante

Quand un journal régional indépendant devient une référence nationale.

Publié le 25 janvier 2006 Lecture : 3 minutes.

Avec un tirage quotidien moyen de 195 000 exemplaires, Le Quotidien d’Oran se classe désormais au deuxième rang de la presse quotidienne algérienne, derrière l’arabophone El-Khabar (400 000 exemplaires), mais devant les deux principaux quotidiens de langue française : Liberté (100 000) et ?El-Watan (50 000).
Fondé en décembre 1994 dans la capitale de l’Ouest algérien par des investisseurs privés – journalistes, anciens ministres, fonctionnaires, universitaires et commerçants -, ce quotidien régional, devenu l’une des références de la presse nationale, vient d’acquérir sa première rotative, en cours d’installation à Oran. Deux autres machines devraient être livrées et installées prochainement à Alger et à Constantine, où le journal est aussi imprimé. « Nous préparons également le lancement, probablement avant la fin de 2006, d’un quotidien en langue arabe, Yaoumiyat Wahran, afin de puiser dans l’immense réservoir du lectorat arabophone, en augmentation constante dans le pays », annonce son directeur, Mohamed Abdou Benabbou.
Le Quotidien d’Oran, dont les tirages ont été multipliés par vingt en dix ans, passant de 10 000 exemplaires (dont 50 % d’invendus) en 1995 à près de 200 000 aujourd’hui, réalise un chiffre d’affaires annuel de 40 millions de dinars algériens (455 000 euros). Il emploie une centaine de salariés, dont une cinquantaine de journalistes permanents, et trois rédacteurs en chef (Oran, Alger et Constantine).
« On monte un journal comme on construit une mosquée. Tout le monde met la main à la poche en pensant faire une bonne action. Finalement, le journal n’appartient plus à personne, sinon à son lectorat », explique Benabbou. Profitant de la libéralisation du secteur de la presse – instaurée en 1990 par la circulaire de l’ex-Premier ministre Mouloud Hamrouche et qui accorde des facilités aux professionnels désireux de fonder des journaux -, cet ancien journaliste de La République d’Oran (fondée en 1971 et arabisée en 1976) a créé, en 1992, avec six autres transfuges du même journal, La Nouvelle République. Inexpérience ou malchance : le « bébé » a rendu l’âme au bout de trois mois. « C’était un monstre à plusieurs têtes, quasiment ingérable », déclare Benabbou.
Aussi, avant de fonder Oran Presse, la société éditrice du Quotidien d’Oran, Benabbou a-t-il fait en sorte que l’actionnariat soit le plus diversifié possible. « Pour éviter la constitution d’une majorité ou une concentration du capital pouvant induire une mainmise sur le journal, nous avons décidé que les actions ne seraient cessibles qu’à l’entreprise, afin de consolider son capital social », indique-t-il. Conséquence : Oran Presse compte quatre-vingt-quatre actionnaires au total, mais aucun d’entre eux ne détient plus de dix actions. Autre conséquence : la valeur de l’action a été multipliée par vingt-deux en dix ans, passant de 1 000 dinars en 1995 à 22 000 dinars aujourd’hui. Ce qui n’est pas pour déplaire aux actionnaires, « qui se font beaucoup entendre lors des conseils d’administration, signe qu’ils se sentent très concernés par la vie de l’entreprise », précise Benabbou. Outre la diversité de son actionnariat, dont les membres viennent d’horizons professionnels, politiques, géographiques et ethniques divers, Le Quotidien d’Oran peut se prévaloir d’un large électorat grâce à une ligne éditoriale « privilégiant l’information sur le commentaire, et évitant, autant que faire se peut, les partis pris ». « Nous ne sommes ni d’est, ni d’ouest, ni de gauche, ni de droite, insiste Benabbou. Nous sommes estimés aussi bien par l’opposition que par le pouvoir. »
Ainsi, en 2004, Le Quotidien d’Oran s’est-il moins engagé que les autres quotidiens nationaux dans la campagne contre la réélection d’Abdelaziz Bouteflika. Cela lui vaut aujourd’hui d’être taxé de journal « pro-Boutef », mais aussi de bénéficier de la confiance de nombreux lecteurs qui n’apprécient pas particulièrement que les invectives tiennent lieu d’audaces éditoriales.
Le Quotidien d’Oran réalise 60 % de son chiffre d’affaires grâce à la publicité, qui est d’ailleurs totalement privée. Et pour cause : « Nous avions un accord avec l’Agence nationale de l’édition et de la publicité (Anep), qui centralise l’achat d’espace publicitaire dans les journaux. Mais nous avons dû le rompre au bout de deux ans », rappelle Benabbou, dont le journal ne semble pas très affecté par ce « manque à gagner ». Au contraire : son autonomie financière vis-à-vis de l’État a consolidé sa crédibilité aux yeux des lecteurs.
Le directeur du quotidien oranais a cependant un regret : il n’a pu développer les abonnements, à cause notamment de la faiblesse des services postaux algériens. Mais aussi une ambition : développer son propre réseau de distribution.

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