Du pavot à l’héro

Des laboratoires clandestins pour transformer l’opium.

Publié le 25 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

On savait l’Afghanistan gros producteur de pavot et son économie très dépendante des exportations d’opium, qui représentent 52 % du PIB (soit 2,7 milliards de dollars en 2005). On savait aussi que, dans le pays, cette plante est traditionnellement utilisée comme médicament, ingrédient culinaire, matériau de construction (toitures) ou combustible. Voire que l’opium (le suc extrait du pavot) sert communément de monnaie d’échange et de moyen de troc. Des décennies de guerre civile, de pauvreté et d’anarchie ont favorisé son trafic.
Mais un phénomène inquiète désormais les spécialistes : lassés de ne tirer profit que de la vente de l’opium, les trafiquants locaux ont mis sur pied des laboratoires clandestins capables de fabriquer de l’héroïne. Une « réussite » totale, puisque l’Afghanistan en est devenu le premier producteur et exportateur mondial, au nez et à la barbe des troupes étrangères qui se refusent à intervenir, arguant que leur mission est strictement militaire. Il est vrai que, sur le terrain, la recrudescence des opérations terroristes menées par les talibans et leurs alliés d’al-Qaïda (plus de cinq cents par mois) n’incite guère à l’optimisme. Difficile dans un tel contexte de consolider une démocratie balbutiante et de convaincre les paysans d’abandonner la culture du pavot. Ceux qui l’ont fait sous la pression du gouvernement se plaignent que ce dernier leur a menti. « Nous n’avons reçu ni les engrais ni les tracteurs promis ni même de l’argent pour compenser cette perte d’activité », accusent-ils.
À l’instar de la production, les laboratoires ont été délocalisés vers le nord du pays au lendemain de l’offensive américaine contre les talibans, en 2001, l’essentiel des opérations antiterroristes ayant lieu dans le Sud et l’Est. Résultat : la drogue transite de plus en plus par le Tadjikistan, où la population, elle-même gagnée par le fléau de la dépendance, est simultanément touchée par le VIH-sida en raison de la fréquente utilisation de seringues souillées (cinq mille cas). De là, la drogue parvient au Kazakhstan, puis en Russie.
La production d’héroïne afghane (et mondiale) allant croissant, les prix deviennent de plus en plus attractifs et cette drogue, délaissée dans les années 1990, revient à la mode. À Hambourg (Allemagne), par exemple, une piqûre coûte 3 euros, soit un tiers de moins qu’il y a dix ans. Moins chère que celle d’Amérique du Sud, l’héroïne afghane a fait son apparition à New York, où elle est acheminée par des passeurs pakistanais, est-européens et ouest-africains. Conscients du danger, les États-Unis ont accru leur aide à Kaboul pour inciter les paysans à changer d’activité : 100 millions de dollars pour la période 2001-2004, 780 millions l’an dernier.

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