[Tribune] Croissance et convergence économique : où se situe l’Afrique par rapport à la Chine ?
Comparativement aux États-Unis et à l’UE, la plupart des pays africains sont géographiquement éloignés de la Chine. Cependant, depuis le début du XXIe siècle, l’empire du Milieu est devenu une destination importante pour les gouvernements, les experts du développement et les représentants du secteur privé du continent.
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Simplice G. Zouhonbi
Economiste, Co-fondateur et Directeur Exécutif du cabinet de conseil IDCNX, ex-Banque Mondiale, ex-BAD et PNUD
Publié le 5 septembre 2019 Lecture : 4 minutes.
Notamment parce que les relations économiques avec l’Afrique se sont considérablement renforcées à l’image des échanges commerciaux (108 milliards de biens en 2017), des investissements directs étrangers (5 à 9 milliards de dollars par an) et de l’aide publique au développement (avec 60 milliards de dollars annoncés pour la période 2019-2021). La Chine est aujourd’hui le premier partenaire commercial de l’Afrique Sub-Saharienne, avec 36 % des échanges de biens de la région, selon les chiffres de la CNUCED (2017).
D’autant que les performances de la deuxième économie mondiale font d’elle une source d’inspiration pour de nombreux pays, lesquels cherchent à établir un cadre pragmatique de progrès et de développement. Si, dans les années 1960, le revenu moyen par habitant en Chine représentait 25 % de celui d’Afrique subsaharienne, soixante ans plus tard, la situation s’est inversée : il est quatre fois supérieur. Sur la période 1960-2018, la Chine a connu une croissance de plus de 6 % par an, contre moins de 2 % sur le continent, grâce à l’accumulation des facteurs de production et à l’amélioration de la productivité.
Le lien entre croissance et réduction de la pauvreté
Compte tenu du lien étroit existant entre la croissance économique et la réduction de la pauvreté, il n’est pas surprenant que la Chine ait pu lutter contre ce phénomène plus rapidement que l’Afrique. Ainsi, les chiffres disponibles (Banque mondiale, 2018) montrent que l’écart entre la Chine et l’Afrique en matière de croissance inclusive et de développement social est encore plus frappant : le taux de pauvreté (1,90 dollar par jour) a rapidement baissé en Chine, passant de 66,6 % de la population en 1990 à 1,4 % en 2014. Parallèlement, il reste supérieur à 40 % pour l’Afrique subsaharienne. Le taux d’alphabétisation a rapidement augmenté en Chine, passant de 77 % à 95 % entre 1990 et 2010, alors que ce niveau est resté inférieur à 60 % en 2010 en Afrique etc.
Mais, qu’est ce qui explique cette différence de performance économique ? Quel est l’impact de la croissance en Chine sur la croissance en Afrique ? Quelles leçons pertinentes l’Afrique peut-elle tirer de l’expérience de la Chine ?
Si le géant d’Asie rattrape progressivement le revenu par habitant des économies plus avancées, il le doit à une combinaison de facteurs : capital humain, investissement, commerce, stabilité macroéconomique, politiques sectorielles, qualité des institutions et de la gouvernance…
En même temps, le renforcement des relations sino-africaines est devenu un levier pour accélérer la croissance sur le continent. Des études (Pigato et Tang, 2015 ; Cheng et Nord, 2017) ont montré que la croissance de la Chine a un impact significatif sur la croissance en Afrique par différents canaux, notamment le commerce, les investissements, les prix des matières premières et les recettes budgétaires, tout en soulignant les risques liés à l’endettement relatif au financement du commerce et des investissements de la Chine. Selon l’une de ces études (Cheng et Nord, 2017), une croissance de 1 % en Chine entraîne une croissance d’au moins 1 % en Afrique subsaharienne.
Même avec une croissance de 5 % à 6 %, il faudrait au continent africain une génération pour atteindre la moitié du revenu par habitant chinois de 2015
Dans ce contexte, la Zleca et les Nouvelles Routes de la soie offrent des opportunités de croissance de grande portée et peuvent se renforcer mutuellement. En outre, une économie mondiale de plus en plus ouverte et intégrée offre davantage de possibilités au continent pour accélérer son développement. Pour le moment, l’écart entre l’Afrique subsaharienne et la Chine en matière de performances économiques reste important : même avec une croissance de 5 % à 6 %, il faudrait au continent une génération pour atteindre la moitié du revenu par habitant chinois de 2015.
Les enseignements à tirer pour les pays africains
Alors, quels enseignements l’Afrique peut-elle tirer de l’expérience économique de la Chine ?
Au moins trois, comme le soulignent plusieurs travaux de recherche (Dollar,2008 ; Ravallion, 2008 ; Ligang et al, 2013) et notre récente étude (S. G. Zouhonbi “Economic Growth and Convergence: How Far is China from Africa?” Working Paper, IDCNx, 2019).
• La capacité de la Chine à mener des réformes clés- avec davantage de pragmatisme, de persévérance- et des politiques publiques reposant sur des bases factuelles, et à intensifier les expériences avec un succès démontrable ;
•l’attention particulière accordée par la Chine au développement du capital humain (éducation et santé), et aux investissements dans les infrastructures depuis la phase initiale de développement ;
•la plus haute priorité accordée en Chine à l’agriculture et au développement rural à partir des années 1980 à travers des réformes (incitations du marché, institutions etc.) permettant la mobilité de la main-d’œuvre rurale, et des investissements dans les infrastructures agricoles pour améliorer la productivité.
Les limites du développement chinois
Au même moment, les pays africains sont conscients des limites du modèle de développement de la Chine. Ils doivent exercer une meilleure vigilance pour maintenir la bonne philosophie du « gagnant-gagnant » prônée par la Chine. Ils devront donc adapter ces leçons à leurs contextes nationaux pour améliorer la qualité de la croissance et mieux exploiter les opportunités de transformation structurelle de leurs économies.
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